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la difficulté de trouver un autre placement solide à de grandes masses de capitaux qu’on retirerait des banques. La confiance dont jouissent en Russie les établissemens de crédit placés sous le patronage de l’état est si grande, qu’elle se maintient même dans le temps de crises financières (l’expérience l’a plus d’une fois prouvé d’une manière irrécusable), car elle est fondée sur la nécessité et favorisée par une longue habitude qui l’a en quelque sorte fait passer dans les mœurs du pays.

Les demandes de remboursement excèdent rarement le montant des nouveaux dépôts, et proviennent ordinairement des petits rentiers qui ont temporairement placé aux banques le fruit de leurs économies. Les riches capitalistes et les gros déposans, qui ont contracté l’habitude de vivre d’une partie de leur rente et de voir leur capital s’accumuler dans les banques par les intérêts composés, se gardent bien d’y toucher pour courir les chances et les embarras d’un autre placement productif et solide. Ils savent bien qu’indépendamment de la garantie générale du gouvernement, la solvabilité des banques repose sur une grande partie de la propriété immobilière du pays et qu’ils ne courent aucun risque de perdre leurs capitaux. On ne doit pas non plus perdre de vue que, parmi les capitaux placés aux banques, il y en a et de très considérables qui appartiennent à des institutions, corporations et établissemens publics qui se trouvent sous la tutèle et la direction du gouvernement. Ces capitaux, qui ne peuvent pas être considérés comme une dette flottante exigible à volonté, constituent bien au delà d’un tiers de toutes les sommes déposées aux banques.

Quant aux crises financières comme il y en a eu plusieurs depuis que les banques existent, et qui momentanément pourraient augmenter en dehors des proportions ordinaires les demandes de remboursement, le gouvernement les a prévues, et s’est mis en mesure d’y faire face en créant un fonds de réserve général séparé, indépendamment de celui qui se trouve auprès de chaque banque.

Si le danger d’une grande crise, qui pourrait amener l’insuffisance de tous ces moyens et épuiser toutes les réserves, était tel que M. Léon Faucher l’a caractérisé dans son étude sur les finances de la Russie, les symptômes de ces dangers se seraient déjà manifestés d’une manière sensible tant en 1812[1] qu’au milieu des circonstances graves où nous nous trouvons depuis bientôt dix-huit mois.

Or, en examinant les opérations de nos banques depuis le 1er janvier 1853, nous y trouvons au contraire des résultats très-rassurans sous ce rapport.

Pendant l’année 1853, qui se trouvait déjà, depuis le mois de mai, sous l’influence des complications politiques, très-inquiétantes pour toute l’Europe, aggravées dès le mois d’octobre par la déclaration de guerre de la porte ottomane, les capitaux déposés à la banque d’emprunts, à la banque de commerce et à tous les autres établissemens de crédit public qui se trouvent

  1. En 1812, lorsque la Russie était envahie par les armées ennemies, le crédit des banques n’a pas été sérieusement ébranlé; le pays s’est relevé rapidement, plus fort que jamais, de cette guerre colossale, et pourtant les ressources de l’état étaient bien minimes à côté de celles dont il dispose maintenant.