États-Unis. Le roman de miss Cumming est plein de scènes de ce genre. Isabelle Clinton fait de la flirtation avec tout le monde, et Kitty Ray avec M. Bruce, qui serait bien aise d’en faire avec miss Gertrude Flint, dont le caractère sérieux et le cœur sincèrement passionné repoussent naturellement ces mensonges de l’amour.
Nous extrairons de toutes ces scènes, qui sont dans le roman comme autant d’épisodes et de superfétations agréablement contés, les quelques traits qui se rapportent directement à l’héroïne, et qui peuvent servir à éclairer son caractère. Gertrude porte dans l’amour la naïveté, la passion, la sincérité qu’elle porte dans l’amitié et dans le dévouement. Elle n’a à son service aucun de ces artifices féminins faits pour exciter les désirs, et cependant elle est l’objet de l’admiration de tous les hommes. Elle n’a jamais cherché à faire de la toilette un moyen de séduction, et cependant les étoffes simples dont elle se revêt font ressortir ses avantages physiques mieux que ne pourraient le faire les étoffes de soie si chères à miss Clinton. Il en est de même de sa conversation et de ses manières. Gertrude s’habille noblement et parle noblement ; son élégance, son esprit, sa politesse, ne sont pas des choses apprises, mais viennent de l’âme. « Apprenez-moi, lui disait un jour la sœur de M. Bruce devant la brillante société réunie au foyer de M. Graham, apprenez-moi, Gerty, à être polie comme vous. — Rappelez-vous, répondit Gerty, la maxime de votre maître de musique : si vous voulez faire des progrès en musique, développez votre cœur ; si vous voulez être polie, développez votre cœur. » Une vérité qui a son importance est contenue dans ce mot de Gerty : c’est que le mot manières n’a aucune signification, que la vraie politesse vient de l’âme, que l’homme le plus noble est aussi le plus gracieux, et que rien, pas même un salut ou une poignée de main, ne peut échapper à l’empire de l’âme. Nous sommes heureux de trouver cette maxime chez un peuple jeune, qui n’a pas encore eu le temps de se faire des manières d’emprunt, et qui peut ressusciter un jour ces prodiges d’élégance animée, de politesse idéale (aujourd’hui disparus et remplacés tristement par le dandysme), qui brillent dans les héros de Shakspeare, images des manières dont un Walter Raleigh et un sir Philip Sidney pouvaient fournir les modèles au grand poète, et qui distinguèrent les Italiens du XVIe siècle et les Français du XVIIe, Cette maxime de Gerty est d’ailleurs en parfait accord avec cette philosophie américaine qui professe que de l’âme découlent toutes choses, les lois et les mœurs, les manières et les arts.
La beauté de Gerty est aussi toute morale, et l’on serait tenté de dire que miss Cumming a voulu faire un plaidoyer en faveur de la beauté romantique contre la beauté classique. Gerty est-elle belle, ne l’est-elle pas ? On ne saurait le dire ; mais ce qui est certain, c’est que le regard aime à se reposer sur elle, sur ces traits fins, mobiles,