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Recueille, en y passant, le fruit de chaque zone,
La vertu qu’il te faut pour atteindre plus loin.

D’abord nous donnerons la force à tes pieds frêles.
Puis le calme à ton cœur plein de trouble et de fiel;
Puis à ton âme enfin tu sentiras des ailes.
Et l’aigle dépassé te cédera le ciel.

Là tu respireras l’éther incorruptible
Où germe toute chose, où s’allume le jour,
Et, par-delà ce monde et l’univers visible.
Tes haines s’éteindront dans un immense amour.


I.


FRANTZ.


Salùt, ô noirs sapins que les glaciers défendent !
Temple contre l’homme abrité.
Asile des vaincus, mes douleurs te demandent
Ta sauvage hospitalité.

Ici je n’entends plus gronder comme une injure
La voix des cités que je hais;
Si je puis respirer ton silence, ô nature.
Je serai guéri pour jamais.

Je suis venu croyant à ta verte jeunesse,
A l’éternité du désert,
T’apportant, pour qu’un jour leur empire y renaisse.
Mes dieux dont le culte se perd.

J’ai cru que la forêt, m’abritant sous sa robe.
Régnait en paix sur tes hauteurs;...
Mais voilà que j’entends, sur ces confins du globe.
Crier les outils destructeurs !


LES SAPINS.


Oui, les bois gémissans sont pleins de noirs présages;
Un monde qui t’est cher avec nous disparait.
Viens donc! Recueille encor les leçons des vieux âges
Dans les derniers soupirs de la sainte forêt !

Elle meurt! Nos remparts de rochers et de neige.
Rien n’arrête un seul jour ce siècle audacieux;