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région de l’Italie ou la Gaule cispadane donna dans ce recensement cinquante-quatre personnes de 100 ans, quatorze de 110, deux de 125, quatre de 130, quatre de 135 ou de 137, et trois de 140.

Divers cas de longévité ont été aussi remarqués pendant le moyen âge et la renaissance. Nous trouvons deux ermites centenaires, saint Antoine, qui vécut 105 ans, et saint Paul, qui en vécut 113. Moreri assure que le docteur universel, Alain de l’Isle, dépassa également un siècle. Un des plus grands artistes de l’Italie, Titien, mourut à 99 ans. Le bisaïeul de Pétrarque est mort, suivant Bacon, à 101 ans, et l’auteur des Discours sur la sobriété, Louis Cornaro, dont le régime était d’une sévérité presque ridicule, est parvenu à peu près au même âge. François Bacon et le célèbre physiologiste Haller ont rassemblé l’un après l’autre un grand nombre d’exemples de longues vies[1]. Haller en compte plus de mille de 100 à 110 ans, soixante de 110 à 120, vingt-neufde 120 à 130, quinze de 130 à 140, six de 140 à 150, et il remarque qu’au-delà d’un siècle et demi on commence à entrer dans le domaine de la fable : incipimus in mythica tempora incidere. Bacon raconte que dans le comté d’Hereford il y avait aux jeux floraux un quadrille de huit vieillards dont les âges pris ensemble formaient 800 ans, ce que les uns avaient de trop pour faire cent ans suppléant à ce qui manquait aux autres. Dans une Galerie des Centenaires, qui n’est pas, il est vrai, exemple d’inexactitudes, M. Charles Lejoncourt fait la biographie de 120 personnes ayant dépassé 120 ans. Parmi les vies d’une longueur tout à fait anormale, les plus célèbres sont celles de George Wunder (136 ans), Jonathan Effingham (144), Christian Draackenberg (146), Thomas Winslow (146), Francis Consist (150), Thomas Parre (152), Joseph Surrington (160), Sara Dessen (164), Henry Jenkins (169), Jean Rowin (172), Pierre Czartan (185), et l’évêque Kentigern (185). Ces douze existences réunies formeraient à elles seules un nombre d’années supérieur à celui qui s’est écoulé depuis le commencement de l’ère chrétienne.

Sans aucun doute, l’âge de la plupart de ces macrobes a été quelque peu exagéré ; mais pour quelques-uns d’entre eux nous avons des témoignages positifs, et l’on ne doit pas craindre d’admettre que la vie de certains hommes a pu exceptionnellement se prolonger jusque vers un siècle et demi. Le mieux étudié de ces faits a eu pour témoin William Harvey, l’illustre auteur de la découverte de la circulation du sang. Thomas Parre était un pauvre paysan de la paroisse d’Alberbury dans le comté de Shrop. Il naquit en 1483 et mourut en 1635, âgé de 152 ans et quelques mois, ayant vu dix souverains se succéder sur le trône d’Angleterre. D’après le désir que le roi Charles Ier témoigna de le voir, il vint à la cour, mangea plus que de coutume et mourut d’indigestion, Harvey en fit l’autopsie : tous ses viscères étaient parfaitement sains, et ses cartilages sternaux n’étaient pas ossifiés. Sans l’excès auquel il se livra, il eut probablement vécu plusieurs années encore. Il n’était donc pas mort de vieillesse : il était mort d’accident, comme le remarque spirituellement M. Flourens.

L’Angleterre a fourni un autre exemple de longévité plus extraordinaire

  1. Dans l’espace de neuf années, Pierre Wargentin a compté en Suède 23 hommes et 20 femmes au-dessus de 110 ans. En Islande, sur une population de 47,000 âmes, il y avait, au rapport de Mackensie, 41 individus de 90 à 100 ans.