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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1150

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groupe démocratique remuant et turbulent, qui se rapprochait des progressistes purs, et n’avait d’autre pensée que de transformer le congrès en convention, sous la présidence d’Espartero. Comment allaient se combiner ces élémens ? dans quelles conditions le gouvernement allait-il pouvoir se reconstituer ? A son premier pas, l’assemblée faillit allumer le conflit de tous les antagonismes et de toutes les prétentions. Elle choisit pour président provisoire le général San-Miguel, malgré l’opposition décidée du duc de la Victoire, qui favorisait la candidature d’un de ses amis, M. Martin de los Héros, et voyait dans San-Miguel presque un ennemi personnel. Espartero en conçut contre l’Union libérale une irritation profonde qui le rejeta un moment vers les progressistes purs et le parti démocratique : il voulut quitter immédiatement le pouvoir.

Cependant on parvint à s’entendre. Il fut résolu par le ministère qu’il attendrait pour se retirer la constitution définitive des cortès. Mû par un sentiment patriotique, le général San-Miguel se désistait de toute prétention à la présidence permanente du congrès, et le cabinet tout entier s’engageait à appuyer un candidat moins antipathique à Espartero, le général Infante. Il en était ainsi le 20 novembre, lorsque le 21 le duc de la Victoire rassemblait le conseil en déclarant que décidément il ne voulait pas dicter un choix à l’assemblée, et qu’il était résolu à se retirer immédiatement du pouvoir. Le calcul du duc de la Victoire était tout simple : il voulait tenter un grand coup, mettre le congrès à l’épreuve en se présentant lui-même comme candidat à la présidence, doubler son pouvoir par une sorte de délégation populaire et rester maître des événemens. Ce calcul fut en partie déjoué par la prudence de la reine, qui refusa d’accepter la démission du cabinet et de nommer de nouveaux ministres avant que le congrès eût manifesté ses tendances politiques. M. Olozaga eut, dit-on, un rôle assez actif dans cet imbroglio, et s’il n’influa pas d’une manière décisive sur la retraite du duc de la Victoire, il se trouva du moins d’accord avec la pensée secrète du chef du cabinet. Homme plus habile que sûr, doué de plus de dextérité et de souplesse que d’élévation et de fixité, M. Olozaga arrivait de Paris, où il était ministre plénipotentiaire, avec l’ambition d’être à Madrid président du conseil ou président des cortès. Le moyen d’atteindre son but était à ses yeux de lier sa fortune à celle du duc de la Victoire et de travailler à la formation d’un pouvoir exclusivement progressiste. Dans ces conditions, si Espartero passait à la présidence des cortès, M. Olozaga était président du conseil ; si le duc de la Victoire reprenait le gouvernement, le ministre d’Espagne à Paris devenait président du congrès. Ce n’était point une partie mal engagée, seulement elle fut perdue malgré l’appui que M. Olozaga trouva, assure-t-on,