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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/12

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La vérité est longtemps à se faire jour. L'exemple si concluant donné par Gustave-Adolphe ne fut, pendant bien des années, qu'imparfaitement suivi. Nos illustres généraux du XVIIe siècle modifièrent peu l'ancienne formation de l'infanterie ; cependant c'est sous le règne du grand roi que fut consommée la révolution commencée par Maurice de Nassau et si heureusement continuée par l'armée suédoise. Ce résultat est dû à Vauban. Aucune étude, aucune question n'était étrangère à cet esprit éminent ; chaque fois qu'il fut consulté sur une affaire de politique ou de guerre, son avis fut toujours lumineux et juste. Parmi les nombreux mémoires de sa main déposés dans les archives de la guerre et dans celles de nos places fortes, il en est peu qui ne contiennent quelque trait de génie, et ses utopies même sont marquées du sceau de son intelligence supérieure et de son cœur excellent. L'art de l'ingénieur fut porté par lui à un tel degré de perfection, qu'il a fait peu de progrès depuis, et c'est lui qui déida Louis XIV à remplacer la pique et le mousquet par une seule arme, à la fois d'hast et de jet, le fusil à baïonnette. Le régiment des fusiliers du roi, depuis Royal-Artillerie, fut le premier corps qui en fut muni (1670), et en 1703 l'armée française renonça définitivement à la pique. Malgré quelques échecs essuyés par l'infanterie ainsi armée, malgré les regrets de Puységur et de quelques autres, le fusil fut bientôt adopté dans toute l'Europe, et les succès du grand Frédéric donnèrent à cette transformation décisive la dernière sanction. Frédéric avait repris et perfectionné les idées de Gustave-Adolphe ; il posa, pour la formation et les manœuvres des troupes à pied, des règles qui sont encore suivies aujourd'hui, et depuis nul n'a contesté que la principale force de l'infanterie ne fût dans son feu et dans ses jambes.

Notre fusil actuel ne diffère de celui dont on se servait dans la guerre de sept ans que par une fabrication plus soignée et des modifications de détail. La plus importante de ces modifications a été le changement apporté au mode d'inflammation de la charge de poudre : la platine à silex a été remplacée en 1840 par une platine à percussion qui est plus simple, craint moins l'humidité, et rend l'inflammation de la charge plus rapide et plus sûre. Le fusil de munition est solide, peu compliqué, d'un entretien facile; surmonté de la baïonnette, il fournit une pique d'une longueur suffisante; sa portée est étendue; à de petites distances, il ne manque pas d'une certaine justesse. C'est une arme parfaitement convenable pour le soldat qui combat en ligne, et « la meilleure machine de guerre qui ait été inventée par les hommes[1]. »

Mais les plus belles créations de l'homme, si l'on peut parler ainsi

  1. Napoléon.