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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1217

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ils offrent un portrait fidèle et expressif d’un autre personnage, aussi célèbre qu’ils sont obscurs, du peuple romain !

Les têtes de deux époux représentés au-devant de leur tombeau, d’où ils semblent sortir à mi-corps et se tenant par la main, sont surtout d’une simplicité et d’une énergie inexprimables : la femme est assez jeune et belle, l’homme vieux et très laid. Ce groupe a un air honnête et digne qui répond pour tous deux d’une vie de sérénité et de vertu. Nul récit ne pourrait, aussi bien que ces deux figures, transporter au sein des mœurs domestiques de Rome ; en leur présence, on se sent pénétré soi-même d’honnêteté, de pudeur et de respect, comme si l’on était assis au chaste foyer de Lucrèce.

Les Romains cultivèrent de bonne heure la peinture. Les Étrusques furent sans doute leurs premiers maîtres dans cet art comme dans tous les autres. On n’a rien conservé de cette époque, à laquelle appartenaient sans doute les anciennes peintures de Lanuvium et d’Ardée, dont parle Pline, et dans lesquelles l’influence grecque ne pouvait encore se faire sentir. Nous ne possédons aucun des tableaux célèbres de l’antiquité. Ceux d’Herculanum, conservés par hasard et qui ornaient la maison de quelques particuliers obscurs dans une petite ville de Campanie, suffisent pour montrer que les Grecs avaient traité cet art avec un sentiment du beau exquis et fin, comme tous les autres. Les peintures en petit nombre qu’on a trouvées à Rome sont en général des peintures décoratives, des arabesques, c’est-à-dire ces compositions fantastiques où les fleurs, les fruits, les oiseaux, les figures humaines, les êtres imaginaires se combinent comme au hasard dans une confusion aimable, dans une gracieuse liberté. Ce produit de la fantaisie originale des Grecs scandalisait l’austère jugement de Vitruve. Le Romain voulait en toute chose un but clair, un motif déterminé ; il était choqué de ces peintures qui ne représentaient rien de réel. Raphaël, qui s’en est si heureusement inspiré pour les loges du Vatican, n’a pas été si sévère que Vitruve. Cependant, en dépit de Vitruve, les arabesques ornèrent les habitations somptueuses des Romains : on voit encore quelques-unes de celles qui décoraient le palais d’Auguste et la maison dorée de Néron. Elles rappellent les peintures du même siècle qu’on a trouvées à Pompéi, ce qui porte à les attribuer à l’art grec.

En général, le petit nombre de peintures romaines que l’on connaît, toujours imitées de la peinture grecque, lui sont très inférieures, à en juger par les fresques de Pompéi et d’Herculanum et par les beaux vases grecs. On commence à penser que le morceau célèbre connu sous le nom de Noces aldobrandines, et qui a été trouvé aux environs de Rome, est inférieur à sa renommée. Poussin lui a fait cependant l’honneur de le copier ; mais Poussin était romain, plus romain que grec : c’est la campagne romaine dont il a transporté dans