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de Saint-Pierre, et qui se voit aujourd’hui dans le jardin du Vatican. Par le même motif, on représenta souvent sur les sarcophages des génies qui cueillent et foulent le raisin. Les chrétiens adoptèrent ce symbole, ainsi que plusieurs autres. On le voit figurer dans la mosaïque du mausolée de sainte Constance et sur la tombe en porphyre de cette fille de Constantin ; cependant il est bien certainement d’origine païenne, car je l’ai remarqué deux fois dans une cérémonie bachique où figure Priape. L’exemple le plus étrange et, il faut le dire, le plus monstrueux que je connaisse de cette alliance ou plutôt de cette confusion des idées païennes et des dogmes chrétiens, je l’ai trouvé là où je ne le cherchais guère, dans le musée de la ville de Pesth en Hongrie. On m’a montré un calice, qu’il est vrai on m’a dit avoir appartenu aux hussites, sur lequel un bas-relief en ivoire représente un satyre très amoureux s’approchant d’une nymphe endormie : au-dessus du satyre, on lit cette incroyable inscription : in vite vitus, la force vient de la vigne.

L’occupation constante, le souvenir de la vie présente dominant tout, se manifeste dans les représentations qui offrent l’image des habitudes et de la profession du mort. On voit, par exemple, un ferrandier aiguisant un couteau, tandis que des instrumens de toute sorte sont suspendus en montre dans sa boutique. Le boulanger Vergilius a voulu que son tombeau présentât l’image de son magasin ; il a voulu, comme il le dit dans son épitaphe, reposer dans une huche, in hoc panario. Il a fait sculpter sur cette tombe bizarre des bas-reliefs où sont figurés la préparation, le pesage et la vente du pain. C’est encore la tradition d’un usage grec. Dans l’Odyssée, Ulysse fait planter une rame sur la tombe de son compagnon d’aventures maritimes Elpenor, et à Syracuse on avait placé une sphère sur le tombeau d’Archimède, ce qui aida Cicéron à le retrouver.

Sur une grande quantité de sarcophages romains, on voit en bas-relief un homme de lettres un livre à la main au milieu des Muses. Il est un de ces sarcophages qui a été consacré à la mémoire d’un enfant probablement précoce, et que pour cette raison on a, malgré son jeune âge, affublé du manteau des philosophes. Dans sa main gauche est un livre, et de la droite l’innocent rhéteur fait un geste qui était celui des exordes. À ses pieds, on voit un petit chien dont sans doute il aimait les jeux, malgré sa philosophie, et un génie funèbre.

L’usage de brûler les morts était un usage grec. Les Romains ensevelirent les leurs jusqu’à Sylla, qui, dit-on, voulut être brûlé pour que son cadavre ne fût pas exposé, par représailles, aux indignités qu’il avait fait subir à ceux des partisans de Marius. Les premiers césars, craignant peut-être, comme Sylla et pour des raisons analogues, qu’on ne mutilât leurs restes, continuèrent l’usage de la crémation. Les Antonins, ne redoutant point sans doute de subir un