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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1230

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la galerie inférieure est murée, sauf un arceau qu’on a dégagé. L’effet que produisait le monument est donc complètement détruit ; mais il reste ses murs, formés de blocs énormes, ses voûtes et un escalier, peut-être le plus ancien qu’il y ait au monde.

Chose remarquable, ce monument, d’un caractère parfaitement romain, et où se montre encore la trace de la tradition étrusque[1], porte des traces visibles de l’influence grecque[2]. Ainsi, dans ce curieux monument, l’Etrurie et la Grèce se rencontrent ; unissant en lui les deux styles étrangers qui dominèrent successivement à Rome, il représente merveilleusement l’époque intermédiaire entre ces deux styles.

Le choix des matériaux employés est digne aussi de remarque. Dans les constructions qui datent des rois, le peperin, pierre volcanique, parait seul ou presque seul. Sous les empereurs, quand on ne construit pas en marbre on en brique, on emploie le travertin, pierre calcaire qu’on voit se former encore de nos jours dans certaines eaux, notamment près de Tivoli, par l’action de l’acide carbonique contenu dans ces eaux Ici, la masse de l’édifice est en peperin ; mais les chapiteaux des piliers et l’entablement sont en travertin : l’architecture du Tabularium est donc doublement historique. D’une part, on y voit le goût grec se trahir dans les chapiteaux de piliers appliqués à une maçonnerie étrusque ; de l’autre, aux matériaux employés sous les rois se superposent les matériaux qui seront ceux de l’époque impériale, et le monument lui-même appartient à l’époque de la république. Or ce sont là toutes les périodes de l’histoire de Rome résumées dans un édifice romain.

Ni les Étrusques, ni les Grecs n’ont connu les arcs de triomphe ; rien d’absolument pareil ne s’est trouvé chez aucun peuple. On voit bien se dresser, sur les pas de Salomon, des arcs de triomphe passagers, on voit des arcs durables élevés en Chine à la mémoire des actions vertueuses ; mais nulle part il n’existe un équivalent exact de ces monumens tels qu’ils étaient à Rome, parce que nulle part ailleurs n’a existé cette chose souverainement romaine, exclusivement romaine, le triomphe. Néanmoins, si l’idée de l’arc triomphal est romaine, il est évident que toutes les parties dont il se compose, excepté la voûte, telles que les colonnes, la corniche, l’attique, sont des élémens empruntés à l’architecture grecque.

Tous les arcs de, triomphe debout sont du temps de l’empire ; cependant

  1. Par les voûtes, semblables aux routes étrusques, et par les murs, dans lesquels les pierres sont disposées à la manière étrusque, tantôt dans le sens de leur largeur et tantôt dans celui de leur longueur.
  2. Les chapiteaux du premier étage sont doriques, et, d’après l’opinion d’un homme qui a étudié sur place les temples de la Grèce, M. Lebouteux, les chapiteaux doriques ont une physionomie toute grecque.