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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/230

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furent entourées d’un grand mystère, le kha-kan ne voulant pas démasquer ses plans avant d’être prêt à agir, et les préparatifs nécessaires pour une telle entreprise exigeant de très-longs délais ; mais, quelque profond que fût le mystère, le gouvernement de Constantinople conçut des soupçons, et députa au kha-kan le patrice Athanase pour le raffermir dans l’alliance romaine, soit par le sentiment de la foi jurée, soit par la crainte de l’avenir. Athanase n’eut pas occasion de déployer son éloquence, car à peine eut-il touché le sol de la Hunnie, qu’il fut pris, placé sous bonne garde, et sevré de toute communication avec le territoire romain. C’était de la part du kha-kan une réponse assez claire pour que le conseil de régence pourvût en toute hâte à la sûreté de la ville et informât Héraclius de ce qui se passait. Les relations de la métropole avec l’empereur étaient régulièrement établies au moyen de la flotte qui stationnait dans un des ports de la Mer-Noire, à Héraclée, Sinope ou Trébizonde, suivant la position de l’armée et les nécessités de la campagne. Probablement Héraclius, de son côté, avait eu vent des intelligences qui se pratiquaient entre les Avars et les Perses ; en tout cas, les dispositions stratégiques adoptées par ces derniers au commencement de l’année 626 lui disaient assez clairement qu’un grand coup était machiné contre son empire, et principalement contre sa capitale.

L’armée romaine, victorieuse en toute rencontre, se trouvait alors campée dans les plaines de l’Euphrate, en face des troupes persanes, réunies et bien plus considérables en nombre. Comme si Khosroës eût renoncé à combattre, il divisa ses forces en trois corps, dont le premier, sous le commandement de Schaharbarz, se dirigea vers l’Asie-Mineure, les deux autres restant en observation dans la Mésopotamie. De ces derniers, l’un devait manœuvrer sur les flancs de l’armée romaine pour l’inquiéter et la retenir, tandis que l’autre, s’échelonnant à l’intérieur, couvrirait les abords de Ctésiphon. Le corps chargé de la garde de l’intérieur se composait de l’élite des troupes persanes, des bataillons d’or, comme on les appelait parce que la pointe de leurs lances était dorée. Héraclius d’un coup d’œil saisit l’intention de ces mesures, et avec sa hardiesse accoutumée il leur en opposa d’autres pour les déjouer. Divisant aussi sa petite année en trois corps, il laissa le plus nombreux sur l’Euphrate, dans une position fortifiée, et sous le commandement de son frère Théodore, dont il connaissait l’énergie. Il envoya le second par l’Arménie gagner la côte du Pont-Euxin, où la flotte devait le transporter à Constantinople, et partit avec le troisième pour les contrées du Caucase, où l’appelaient un nouvel intérêt, de nouvelles aventures à courir. Il avait appris en effet qu’une