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horde de Khazars avait fait irruption par les partes caspiennes dans l’Aderbaïdjan, qu’elle pillait, et l’idée lui était venue de l’enrôler sous son drapeau pour opérer, de concert avec elle, une diversion terrible contre la capitale de la Perse. Le projet fut exécuté aussitôt que conçu, et il accourait avec quelques légions, sur le passage de cette horde, lui porter des paroles d’amitié et offrir des présens à son chef.

Ces Khazars n’étaient autres que les Khatzires ou Acatzires du Ve siècle, qui appartenaient alors à la ligue des Huns blancs. Attila les avait soumis par la force des armes, et leur avait imposé pour roi son fils Ellak ; après sa mort, Denghizikh les avait comptés parmi ses sujets. Les désordres de tout genre, invasions, guerres, déplacemens de peuples, qui signalèrent parmi les nomades de l’Asie occidentale la fin du Ve siècle et la première moitié du VIe rendirent la liberté aux Acatzires, mais pour les jeter dans une longue suite de péripéties, et on les vit à cette époque, ballottés de steppe en steppe, errer des Palus-Méotides au Volga et d’une rive à l’autre de la Mer-Caspienne. Tombés enfin sous une de ces dominations turkes qui se rapprochaient de plus en plus de l’Europe, ils acceptèrent sa suprématie sans perdre leur individualité comme nation. L’étoile des Huns était alors à son déclin, l’étoile des Turks à son lever, et suivant l’usage constant des nomades, qui ne recherchent et ne prisent que la force, les Acatzires répudièrent leur nom de Huns pour prendre celui de Turks .et adopter avec ses coutumes et ses lois l’orgueil de la race qui les dominait. Cette transformation sembla leur donner une nouvelle vie. Les Turks-Khazars rentrèrent en maîtres dans le pays d’où les Huns-Acatzires avaient été chassés. Placés là dans le voisinage de la Perse, qui n’était séparée d’eux que par le détroit de Derbend, ils y faisaient souvent des incursions, et profitaient en ce moment de l’absence des armées persanes pour venir ramasser dans l’Atropatène le butin qui avait pu échapper aux Romains. Tel était le nouvel allié qu’Héraclius se flattait d’acquérir.

Il arriva avec sa petite armée juste à l’instant où les Khazars, chargés de dépouilles, sortaient de l’Atropatène pour regagner leur pays. La rencontre eut Heu sous les murs de Tiflis, à la vue de la garnison perse renfermée dans la ville. Du plus loin que le chef des Khazars aperçut l’empereur romain, qui s’avançait couronne en tête, il sauta de cheval et se prosterna le front contre terre. La horde suivit son exemple, et on remarqua que les officiers et autres personnages importans grimpèrent sur les rochers et les tertres pour y faire leurs génuflexions. Héraclius, accourant vers celui qui paraissait le chef principal (c’était le second . magistrat de toute la nation, et il se