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provisoire, afin de pouvoir les modifier; ils subsistent à peu près intacts encore aujourd'hui. L'habillement, l'équipement se confectionnaient; ils ont été adoptés depuis par toute l'infanterie française. Le duc d'Orléans, voulant que sa création fût complète et autant que possible à l'abri de la critique, s'était fait adjoindre un officier-général, M. Rostolan, qui avait été longtemps colonel d'infanterie, et qui unissait à de bons services de guerre, anciens et récens, une remarquable capacité administrative; il avait, si l'on peut ainsi parler, le génie des détails. Deux lieutenans-colonels assistaient le général Rostolan, et comme lui ne quittaient pas Saint-Omer. Un autre lieutenant-colonel avait été chargé de former des instructeurs spéciaux de tir; à cet effet, on avait réuni à Vincennes un détachement composé de dix officiers et d'un certain nombre de sous-officiers auxquels on avait reconnu une aptitude particulière. Les uns et les autres suivaient un cours sur les armes à feu portatives professé par un capitaine d'artillerie, plus scientifique pour les premiers, plus simple pour les seconds; l'enseignement pratique était dirigé par les officiers attachés au dépôt de l'ancien bataillon de tirailleurs. Grâce au bon vouloir de tous, grâce aux ressources que présentaient l'arsenal et le polygone, cette instruction fut bientôt complète, et fut l'objet d'un manuel sommaire. Initié ainsi aux principes qui président à la fabrication des petites armes, à la confection des munitions, aux règles et à la pratique du tir, ce détachement fut ensuite dirigé sur Saint-Omer, pour fournir aux nouveaux bataillons les officiers et sous-officiers instructeurs de tir qui devaient faire partie des cadres définitifs. Ils rejoignirent leurs corps au moment où leur présence y devenait nécessaire, où l'armement venait d'être délivré. Cet armement se composait de carabines de munition assez semblables à la carabine de tirailleur, améliorées cependant, surtout quant à la portée, et de fusils de rempart allégés, toujours dans la proportion de 1/8; les carabiniers, munis de cette dernière arme, formaient la compagnie d'élite de chaque bataillon.

Le duc d'Orléans surveillait tout, voyait tout par lui-même, et passa une partie de l'hiver à Saint-Omer. Quand d'autres devoirs le retenaient à Paris, il suivait avec le même soin les progrès de sa création, continuait de tout diriger, conférait avec des chefs de service, et levait bien des obstacles, moins par l'autorité de son rang que par l'étendue de ses connaissances, la rectitude de son jugement, l'éclat de son esprit, la grâce de sa parole. Il fut si admirablement secondé, qu'au bout de quelques mois l'œuvre fut complète; les bataillons étaient équipés, armés, bien instruits. Par une belle matinée de printemps (mai 1841), une colonne profonde entrait dans Paris avec une célérité inconnue; — pas de faux éclat, pas de