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lestes et déjà formés, conduits par des officiers qui devaient prendre part à la nouvelle organisation. La constitution des cadres avait été une affaire délicate; beaucoup d'officiers jeunes, distingués, pleins d'ardeur, avaient naturellement désiré d'entrer dans des corps qui semblaient appelés à un service particulièrement actif, et qui devaient être formés par le prince royal. Pour que la création attint son but, il fallait en effet que les officiers réunissent certaines conditions d'aptitude; mais il fallait aussi éviter de froisser les justes susceptibilités de l'armée, il fallait que tous les élémens dont se composent nos cadres fussent représentés dans les cadres nouveaux. Le duc d'Orléans avait bien envisagé les deux faces de la question, et il sut pourvoir à cette double nécessité avec un tact parfait. Le corps d'officiers présenta un ensemble de toutes manières remarquable; mais la variété des origines et des services de ceux qui le formaient était de nature à désarmer toutes les rivalités, toutes les jalousies. D'ailleurs aucun privilège n'avait été accordé aux chasseurs; les tarifs de solde, les prestations de tout genre étaient les mêmes que dans le reste de l'infanterie. Le même esprit avait présidé au choix des dix chefs de bataillon, les uns sortis des rangs, les autres de l'Ecole militaire. Ceux-ci étaient signalés par de bons et anciens services, ceux-là s'étaient récemment distingués en Afrique. M. de Ladmirault, ancien capitaine de zouaves, conservait le commandement du 1er bataillon, qu'il avait reçu quelques mois plus tôt sur le champ de bataille; MM. Faivre, Camou, de Bousingen, Mellinet, étaient notés comme des officiers accomplis; MM. Forey et Répond avaient récemment gagné leur grosse épaulette en Algérie, ainsi que MM. Clère et Uhrich, qui avaient appartenu au bataillon de tirailleurs. Enfin, comme le corps d'état-major se recrute tous les ans parmi les meilleurs élèves de l'École militaire, et que les chances d'avancement y sont moins favorables, on avait profité de la faculté que donnent les nouvelles organisations pour ouvrir les rangs de l'infanterie à un capitaine d'état-major, M. de Mac-Mahon, signalé par plusieurs actions d'éclat. Il fut mis à la tête du 10e bataillon[1].

Dès que les détachemens et les cadres furent arrivés à Saint-Omer, les bataillons furent constitués, et leur instruction spéciale commença. Sauf quelques changemens que l'expérience avait indiqués, elle était semblable à celle qu'avait reçue le bataillon de tirailleurs. Les exercices et manœuvres étaient définis par des règlemens rédigés sous les yeux du prince royal, et auxquels on avait laissé le caractère

  1. A l'exception de MM. Uhrich et Clère, dont l'un a pris sa retraite en 1848, et dont l'autre a été tué glorieusement à la tête de son bataillon, tous ces chefs de bataillon sont parvenus au grade d'officier-général. Plusieurs exercent des commandemens importans en Crimée ou en Afrique.