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père. Il finit par passer le Danube, s’emparer de Varna et fonder le grand état qui porte encore aujourd’hui le nom de Bulgarie. Quoique les Bulgares n’eussent ni la soumission des Serbes, ni la fidélité des Croates, l’empire s’accommoda avec eux. Trouvant le pays déjà occupé en partie par les émigrations slaves des Séwères et des Sept-Nations, ils les conservèrent dans leur sein. Ils reçurent également toutes les alluvions d’émigrés antes et Slovènes que la Slavie leur envoya, de sorte que leur domination devint mi-partie bulgare et mi-partie slave, et que même les habitudes et la langue des Slaves y prévalurent avec le temps. Le christianisme est venu, mais beaucoup plus tard, compléter le mélange.

Ces établissemens, qui dressèrent une barrière vivante sur le Danube, en face de l’empire avar et sur ses flancs, l’emprisonnèrent en quelque sorte chez lui et le forcèrent à se replier sur lui-même. Ce fut, pour cet état qui n’avait d’industrie que la guerre, une période de dissolution rapide ; toutes les causes de désordre intérieur l’attaquèrent à la fois, et l’imitation des mœurs romaines, non épurées par le christianisme et par les lumières de la civilisation, acheva de le corrompre et de l’affaiblir. Dès l’année 630, le peuple avar n’est plus mentionné dans l’histoire de l’empire d’Orient, et les successeurs d’Attila cessent d’y figurer à côté des successeurs de Constantin. L’histoire d’Occident n’entend même plus parler d’eux jusqu’aux dernières années du VIIIe siècle. À cette époque, un de leurs kha-kans, s’étant mêlé aux intrigues de Tassillon, roi de Bavière, contre Charlemagne, attira sur lui la colère du grand roi des Franks. Charlemagne fit par lui-même, ou par ses fils et ses généraux, huit campagnes successives sur les bords du Danube, de la Theiss et de la Drave, força les retranchemens circulaires des Avars, que les Germains appelaient hring, et pénétra dans le camp royal, où se conservaient les dépouilles accumulées de l’Orient et de l’Occident. Il rendit aux églises les vases sacrés et distribua le reste aux princes de l’Europe et à ses leudes ; le pape eut une bonne part de ce butin chrétien reconquis sur les infidèles, et l’on s’écria que les injures faites par Attila à la chrétienté étaient vengées. C’est ainsi que l’épée gallo-franke, après avoir arrêté sur les bords de la Marne les progrès du premier empire hunnique, vint mettre fin à l’existence du second sur ceux de la Theiss et du Danube.


Amédée Thierry.