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IV. — METAMORPHOSRS DES MYRIAPODES, DES CRUSTACES, DES ANNÉLIDES.

Revenons aux invertébrés. Avec les insectes, le sous-embranchement des annelés articulés comprend les myriapodes ou millepieds (scolopendre, iule, etc.), les arachnides (araignée, scorpion, etc.), et les crustacés (crabe, écrevisse, cloporte, etc.). De ces trois classes, la seconde n’offre aucune trace de métamorphoses; mais ce phénomène, sans être aussi général que chez les insectes, reparaît dans les deux autres, et parfois avec des caractères que nous n’avons pas encore rencontrés.

Parmi les myriapodes à métamorphoses, les iules ont été le plus complètement étudiés, entre autres par De Géer, par MM. Savi, Waga et Gervais. Parvenus à l’état parfait, ces petits animaux sont composés d’une suite d’articulations placées bout à bout comme les grains d’un chapelet, et qui sont presque toutes munies de deux paires de pattes. Le nombre de ces membres varie ainsi de cent quarante environ à deux cents, selon les espèces. Or au sortir de l’œuf le jeune iule est complètement lisse et apode. Bientôt il se partage en un petit nombre de segmens, et il lui pousse trois paires de pattes. Avec l’âge, et à la suite de mues successives, le nombre des segmens et des pattes va toujours en augmentant sans que les autres caractères changent. En outre, en naissant l’iule était aveugle. Les yeux se montrent peu après les premiers organes de locomotion, et se multiplient à mesure que l’animal grandit. On voit qu’ici il n’y a pour ainsi dire pas métamorphose, mais que l’organisme se complète et s’accroît d’abord par l’addition de parties nouvelles, puis par la simple répétition de parties existantes.

La classe des crustacés nous montre des faits presque entièrement pareils. C’est ainsi que dans une petite salicoque d’eau douce, assez semblable à ces chevrettes qui figurent aux étalages de Chevet et de ses confrères, dans la caridine de Desmarets (caridina Desmarestii), M. Joly a vu certaines pattes thoraciques et abdominales, des pièces stomacales et même les branchies, ne se montrer qu’après l’éclosion. En outre, des organes déjà existans, les yeux par exemple, se sont modifiés; d’autres, comme les appendices accessoires de certains pieds, se sont atrophiés. Nous voilà déjà bien près de la métamorphose telle qu’on la comprend ordinairement, et si, quittant la grande division des macroures[1], nous passons à celle des brachiures[2], le

  1. Littéralement crustacés à grande queue. A cette division appartiennent les écrevisses, les homards, les langoustes, tous ces crustacés dont l’abdomen, vulgairement appelé la queue, est charnu, très développé, et sert à la natation.
  2. Littéralement crustacés à queue courte. Tous les crabes appartiennent à ce groupe, caractérisé par un abdomen peu développé que l’animal porte recourbé en dessous et appliqué contre le thorax, généralement regardé comme le corps des crustacés.