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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/395

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l’Autriche, la guerre de trente ans, qui commence et qui finit à Prague, et qui n’est que la guerre des hussites sur un plus grand théâtre ; l’odieuse tyrannie de Ferdinand II, la Bohême noyée dans le sang de ses enfans ; la langue, les traditions, les souvenirs des ancêtres proscrits avec une cruauté impitoyable, et malgré tant de causes de ruine, l’esprit national persistant encore sous des formes différentes, et produisant, entre autres témoignages, la pieuse communauté des frères moraves, voilà la seconde partie du tableau que le savant historien doit dérouler devant nous. Telle qu’elle est toutefois, l’œuvre est assez complète aujourd’hui pour que nous puissions juger l’historien. J’ai signalé l’intérêt de ce beau travail, j’ai dit le mérite du savant, du narrateur et du peintre ; que penser du publiciste et de ses patriotiques espérances ?

L’histoire est une école sévère où se dissipent les illusions. Cette conscience des peuples, si on l’interroge avec franchise, ne donne que de mâles conseils ; elle oblige surtout les rêveurs à regarder la réalité en face. Après tant de luttes sanglantes et d’événemens irrévocables, il est trop évident que le projet de Charles IV et de son fils Wenceslas ne serait plus qu’une chimère. S’il y a encore en Bohême de fanatiques patriotes qui n’ont pas perdu l’espoir de faire dominer la race slave en Allemagne, M. Palacky n’est pas de ceux-là. Quelle peut être cependant la situation des Slaves, et particulièrement des Tchèques, au sein de la monarchie autrichienne ? Qu’y a-t-il de sérieux et de fécond dans ce réveil de l’esprit national ? N’est-ce là qu’un enthousiasme passager, un souvenir des jours d’autrefois éveillé tout à coup au fond des cœurs, et qui doit s’évanouir comme un songe ? ou bien cette forte race des Tchèques, la race des Ottocar, des Jean Huss et des Ziska, a-t-elle encore assez de sève et de vitalité pour que ce mouvement qui l’anime aujourd’hui soit un mouvement durable ? Oui, je le crois ; je crois à la sève de cette race qui se réveille, je crois à la sincérité, à la persévérance de ses efforts ; je crois enfin que l’Autriche, quoi qu’il puisse arriver, sera toujours obligée de compter avec les réclamations de ses sujets slaves. Un soulèvement qui produit de pareils travaux n’a rien de commun avec ces fantaisies politiques nées du délire de la fièvre. Ce n’est pas un parti qui porte ici la parole, c’est un peuple. Qu’on rappelle tant qu’on voudra l’espèce d’éclipsé qu’a subie la nationalité tchèque depuis cent cinquante ans ; l’esprit tchèque n’était pas détruit, il sommeillait dans l’ombre, et aux premiers rayons de soleil, à la première aube de la liberté moderne, il s’est dressé sur son lit de misère avec une étonnante vigueur. La rénovation slave en Bohême a commencé en même temps que la révolution française. Timide et indécis d’abord, ce mouvement national a été s’accroissant toujours. Il