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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/455

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approvisionner convenablement nos troupes, sur ls six milles qui s’étendent du port de Balaclava aux lignes anglaises devant Sébastopol. »

Toutefois les événemens qui s’accomplissaient en Europe allaient bientôt permettre aux armées alliées de quitter la position purement défensive qu’elles avaient dû prendre d’abord.

La déclaration de guerre adressée par la France et par l’Angleterre à la Russie avait produit partout une grande impression, mais nulle part plus qu’en Allemagne, où les allures, le ton hautain, l’influence et l’ambition de la Russie excitent des antipathies et des appréhensions plus vives qu’en aucun pays de l’Europe. L’effet s’en fit sentir presque aussitôt à Vienne, et c’était chose toute naturelle, Vis-à-vis des autres membres de la conférence qui s’était formée depuis le mois de juillet précédent, t:’est-à-dire vis-à-vis de l’Autriche et de la Prusse, la résolution suprême que venaient de prendre la France et l’Angleterre pouvait à bon droit être regardée comme une sorte de mise en demeure. Jusque-là, il est vrai, tous les protocoles de Vienne n’imposaient aucune obligation étroite à ceux qui les avaient signés, jusque-là il ne s’était encore agi pour la conférence que de proclamer des principes, que d’offrir ses bons offices ou sa médiation; mais lorsqu’enfin on voyait ses tentatives de médiation si mal accueillies par la Russie, lorsque les deux puissances avec lesquelles on s’était mis depuis huit mois en communauté d’idées annonçaient que le sentiment de leur dignité blessée par les façons altières du cabinet de Saint-Pétersbourg et la violation des engagemens les plus positifs les contraignaient à prendre les armes pour le maintien des principes proclamés en commun, alors il était bien difficile, sinon impossible, de ne pas sortir des termes généraux où l’on s’était tenu jusqu’à ce moment, de ne pas arrêter à son tour quelques principes non plus de théorie politique, mais d’action. S’abstenir, c’était faire aveu d’impuissance, c’était reconnaître qu’on n’avait ni le courage, ni la loyauté de maintenir ce qu’on avait déclaré nécessaire à l’équilibre européen; c’était abdiquer, c’était sortir de ce concert des grandes puissances auquel il peut être dangereux de vouloir tenir tête, et d’où l’on ne peut se retirer pour jouer un rôle passif, une fois qu’on a eu l’honneur d’y être admis, qu’en perdant son prestige et sa considération. Le protocole, on devrait dire la convention du 9 avril 1854, ne fut donc que la conséquence forcée des déclarations faites le 27 mars par la France et par l’Angleterre.

Dans ce document, l’Autriche et la Prusse ne reconnaissaient pas seulement le droit de l’Angleterre et de la France à faire la guerre, elles déclaraient encore qu’elles-mêmes avaient lieu de se tenir pour offensées, et elles s’engageaient à maintenir, comme condition sine quâ non de la paix future, l’intégrité territoriale de l’empire ottoman,