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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/490

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Plusieurs portions des anciennes branches du Nil existent encore et servent, concurremment avec les canaux exécutés dans les temps modernes, à distribuer les eaux dans le Delta. Toutefois l’extrémité de la branche canopique, à partir de l’embranchement sur Rosette, s’est oblitérée ; les branches de Damiette et de Rosette sont les seules aujourd’hui qui versent leurs eaux à la mer ; les autres branches du Nil se jettent dans les deux grands lacs Menzaleh et Bourlos, qui, aujourd’hui comme au temps d’Hérodote, occupent, l’un à l’est, l’autre à l’ouest, la plus grande partie des rives du Delta. Les bouches anciennes qui faisaient communiquer ces lacs avec la mer existent encore aujourd’hui en même nombre et à peu près sur les mêmes points, si ce n’est que probablement elles se sont avancées dans la mer avec la rive du Delta.

L’élévation successive du sol vers l’est du golfe, surtout dans l’Ouady-Toumilat et dans le voisinage de Peluse, et l’oblitération de la branche pelusiaque ont eu pour effet de restreindre la surface cultivable et de faire avancer d’autant la limite du désert. Aussi la vallée de l’Ouady-Toumilat et les baisses dans lesquelles elle s’épanouit, l’immense plaine de Peluse et toute la rive est du lac Menzaleh, ces contrées, aujourd’hui désertes et inhabitables, étaient-elles autrefois très peuplées et très florissantes, ainsi que le constatent les ruines multipliées dont le sol est couvert.

D’après les recherches de MM. Girard et de Rozières[1], l’élévation séculaire du sol de la Basse-Égypte et du lit du Nil peut être estimée à environ 12 centimètres à la hauteur du Caire ou de Memphis, et, en moyenne, pour tout le Delta, à 6 centimètres. D’après ces données, M. Elie de Beaumont a calculé les chiffres de l’exhaussement sur les bords de la Méditerranée à 13 et 14 millimètres par siècle. Quant à l’avancement séculaire du Delta dans la mer, il varie beaucoup suivant les lieux : il paraît avoir été considérable aux bouches de Damiette et de Rosette (environ li mètres par an) ; mais on peut dire en général que les rives du Delta ont peu varié depuis les temps historiques. Cette immobilité résulte de la lenteur de l’exhaussement de ces rives et de l’influence du courant littoral ; on peut voir à ce sujet la savante et concluante discussion de M. Elie de Beaumont dans ses Leçons de géologie pratique.

L’existence d’un courant littoral sur la côte d’Égypte ne saurait être contestée. La figure générale du Delta, la disposition des bouches principales du Nil, la forme qu’affectent les dépôts qui leur servent de rives, la formation des langues de terre qui séparent de la mer les lacs du Delta, enfin et par-dessus tout l’existence du port

  1. Description de l’Égypte, t. XX.