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Trois époques distinctes, mais chacune d’un immense intérêt, se partagent l’attention de l’historien militaire dans ses études rétrospectives sur Valenciennes; elles sont caractérisées par trois sièges célèbres que soutint successivement cette ville, exposée par sa situation géographique aux incessantes vicissitudes de la guerre : j’entends parler du siège de 1557 lors de la célèbre insurrection des Flandres, de celui de 1677 par Louis XIV durant les négociations pour la paix de Nimègue, et enfin du terrible siège de 1793. Étudier et raconter avec détails l’un de ces grands événemens militaires, entre les occupations du camp et l’espoir d’une guerre prochaine, n’était-ce pas la meilleure manière que je pusse imaginer de passer mon temps à Valenciennes? Je me mis sans retard à l’œuvre.

Les sévères figures du Taciturne du duc d’Albe, la ligue des gueux, les luttes implacables de religion, l’inquisition aux prises avec la liberté, tout ce qu’il y eut de coloré et de dramatique dans les faits de cette époque mémorable offrait, on en conviendra, bien des séductions à un fanatique du XVIe siècle tel que moi. Je ne m’arrêtai pas cependant à la vue du sac et du pillage de Valenciennes par le sire de Noircarme, général des armées de Mme la Gouvernante[1], et je me refusai même à rechercher le nombre et les noms des pauvres magistrats huguenots que les Espagnols pendirent aux portes de la ville en cette circonstance après l’avoir livrée au pillage.

Deux siècles plus tard, en 1793, Valenciennes avait offert un autre spectacle, qui avait aussi sa grandeur : les patriotes et la garnison de cette énergique cité avaient opposé une résistance héroïque à une armée de cent mille Autrichiens, Anglais et Hanovriens, qui payèrent chèrement leur victoire[2]. Dans ces scènes de carnage et d’incendie poétisées par le noble amour de l’indépendance, et dont on ne vit la fin qu’après la signature de la plus honorable capitulation, il y avait bien de quoi exercer la verve d’un écrivain. Je renonçai pourtant à raconter le siège de 1793, me rappelant que M. de La Pommeraye l’avait raconté dans les plus grands détails. En définitive j’ai mieux aimé écrire le récit d’un des plus brillans et des plus heureux coups de main de nos anciennes armées que l’histoire d’un échec essuyé par nos soldats, quelque héroïque qu’il ait été d’ailleurs. Obligé d’opter, j’ai préféré la gloire des mousquetaires à celle des gardes wallones, et j’ai choisi pour sujet la prise de Valenciennes par le roi de France en personne, le 17 mars 1677, après huit jours seulement de tranchée ouverte. J’espère qu’on trouvera

  1. Marguerite d’Autriche, duchesse de Parme, sœur naturelle de Philippe II, roi d’Espagne.
  2. La ville fut reprise un an après sans coup férir par les Français, que commandait le général Schérer.