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L’espace, la matière, le temps manquent également à l’individu de notre espèce. Il n’est quelque chose que par son intelligence. Cette vérité tant répétée n’en est pas moins toujours nouvelle.

Laplace, dans sa cosmogonie (mot qu’il s’est bien gardé de prononcer), examine en passant l’opinion singulière des Arcadiens, qui se croyaient plus vieux que la lune, cet astre, dit Horace, qui est postérieur aux antiques Arcadiens. Je remarque que le Péloponèse a toujours eu maille à partit avec la lune. Quelques anciens croyaient la lune juste de la grandeur du Péloponèse ; sans aucun doute, le lion de Némée était tombé de la lune ; enfin les Arcadiens avaient été témoins de la naissance de ce satellite, qui, jusqu’à Galilée, fut un grand embarras dans toutes les théories. Les convenances d’analogie furent satisfaites quand Galilée d’abord, et ensuite Huygens et Cassini, eurent vu les lunes des autres planètes. On avait donc imaginé de faire la lune avec une comète que la terre aurait enchaînée à sa destinée ; mais cette idée ne soutient pas l’examen. Une comète, ce rien visible, n’a point assez de masse pour former la moindre planète ou le moindre satellite, J’ai prouvé qu’une, couche d’air d’un mètre d’épaisseur illuminée par le soleil serait plus brillante qu’une comète. Toutefois, en laissant de côté cette raison péremptoire de ne pas rapporter l’origine de la lune à une comète, conçoit-on pour Jupiter et Saturne la chance qui, pour leur donner des lunes, aurait fait arriver l’une après l’autre toutes ces comètes dans le même plan, et suivant l’équateur de la planète ? Sans doute une comète qui passerait près de la terre infléchirait sa course à mesure qu’elle s’en rapprocherait, mais ensuite elle retournerait vers les espaces célestes, et son mouvement ne ressemblerait en rien à la marche de notre lune, admirablement balancée entre son mouvement en ligne droite, qui l’éloigné de la terre, et sa chute vers nous, qui la ramène d’autant, en sorte qu’elle conserve sa position sans aucun appui. Plusieurs personnes à qui j’expliquais cette belle idée, qui est de Borelli et que Voltaire attribue à tort à Newton, s’inquiétaient de ce qui arriverait si ce mouvement en ligne droite, qui éloigne la lune, n’était pas égal à l’effet de la pesanteur qui la ramène. Alors ils craignaient que dans un cas la lune ne disparût dans l’espace et nous privât de ses services, ou bien qu’elle ne tombât sur la terre, où elle couvrirait bien plus que Le Péloponèse et ferait de terribles dégâts. Eh bien ! la mécanique théorique rassure tout le monde. Ou peu plus ou un peu moins de vitesse dans la lune ne produit qu’un peu d’allongement dans sa route circulaire autour de la terre ; et, au lieu d’un cercle parfait, elle décrit ce qu’on appelle vulgairement un cercle allongé, c’est-à-dire une ellipse. C’est l’une des courbes étudiées dans l’école de Platon, lequel ne se doutait guère alors du rôle astronomique