Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fer, et on s’écriait : « Le Romain propriétaire d’esclaves a porté ses aigles et installé ses légions jusqu’aux extrémités de la terre, et il a rendu l’Italie le théâtre de la gloire du monde. Le Grec propriétaire d’esclaves a pénétré presque jusqu’aux sommets glacés du Caucase. » Confusion gratuite, car à Rome et à Athènes ce n’étaient pas les esclaves qui composaient les armées et triomphaient des Barbares, tandis que dans le midi de l’Union américaine ce sont les esclaves qui travaillent et qui produisent ! À lui seul, l’esclavage suffirait pour empêcher les états du sud de rivaliser avec ceux du nord dans l’arène de l’industrie. Il leur faudra de longues années avant qu’ils aient construit sur leur territoire un réseau de chemins de fer comparable à celui de leurs voisins.

Au nord pas plus qu’au sud, dès qu’il s’agit d’une confédération formée d’états souverains, on ne saurait s’attendre à rencontrer une cité principale et dominante à laquelle viennent se rattacher comme chez nous la plupart des grandes voies ferrées. Les chemins de fer gravitant de ville à ville sont au contraire éparpillés, quoiqu’on une mesure inégale, sur tous les points du territoire des États-Unis. Seulement les diverses localités en possèdent naturellement un nombre proportionné à l’importance des intérêts dont elles sont le siège. Ainsi, sous ce rapport, il se trouve dans chaque zone quelques cités privilégiées. Au nord, ce sont les villes de New-York, de Boston et de Philadelphie. Toutes les grandes artères du réseau américain y ont quelques aboutissans plus ou moins directs. Si New-York est plus exclusivement préoccupée de spéculations positives que Boston, la ville religieuse par excellence et qui joint au puritanisme primitif des émigrans anglais certaines tendances littéraires, les deux cités n’en rivalisent pas moins entre elles comme centres de chemins de fer. Pour le groupe d’états composant à l’extrémité septentrionale du pays le vivant district qu’on appelle encore la Nouvelle-Angleterre, Boston est un point de ralliement ; ses lignes ferrées vont toucher au fleuve Saint-Laurent et aux possessions actuelles de la Grande-Bretagne. New-York est la tête des chemins qui mettent l’Océan en communication avec les lacs Ontario, Érié, Michigan, et qui s’enfoncent jusque dans les profondeurs de l’ouest ; c’est par cette voie que la grande masse des produits importés pénètre sur les marchés intérieurs. Quant à Philadelphie, dont le caractère emprunte quelques traits à celui de l’une et de l’autre des deux premières cités, elle est surtout un lieu de transit pour les voyageurs et les marchandises descendant vers Washington et de là vers la zone méridionale.

Dans les états du sud, où les chemins de fer sont encore si clair-semés, les lignes les plus notables partent de Charleston, de Savannah, de Wilminglon dans la Géorgie et la Caroline du sud, et de la Nouvelle-Orléans dans la Louisiane. La région occidentale, la région qu’arrosent l’Ohio et le Mississipi dans la partie élevée de son cours, nous montre des croisemens de lignes bien plus nombreux et bien plus pressés que ceux du midi, autour de villes datant seulement d’hier, mais dont l’importance grandit pour ainsi dire d’heure en heure, telles que Cincinnati, Indianopolis, Lafayette, Colombie, Chicago, etc.

Toutes les parties de la confédération américaine ont suivi des procédés à