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peu près identiques pour l’établissement de leurs chemins de fer. Le plus souvent, les lignes ont été l’œuvre des compagnies qui les exploitent ; si ces compagnies sont en définitive restées à peu près seules maîtresses du terrain, les gouvernemens sont aussi parfois intervenus sous des formes diverses dans l’exécution des railways. Il y a vingt ans à peine, à une époque où les Américains s’étaient lancés dans les grands travaux publics avec la plus téméraire ardeur, divers états, en vue de stimuler les opérations, avaient placé sous l’égide de la garantie publique les prêts faits aux entrepreneurs. Adoptée notamment par les états de New-York, d’Indiana, de l’Ohio, du Michigan, de l’Illinois, cette méthode ne réussit que trop bien, et les forces réelles des localités furent notablement outre-passées. Des désastres financiers, dont le triste souvenir n’est point effacé, vinrent alors entraver temporairement la construction des chemins de fer, surtout des plus étendus. Les gouvernemens locaux, ayant épuisé leur crédit, furent obligés d’abandonner à de nouvelles associations les chemins qui leur étaient restés sur les bras. L’industrie privée renaissait ainsi de ses ruines ; mais le mode de l’exécution plus ou moins directe par l’état, qui n’a été d’ailleurs en Amérique qu’un fait exceptionnel, disparut presque entièrement après l’échec des compagnies subventionnées. La garantie des emprunts privés a même été interdite d’une façon expresse par des articles additionnels à la constitution de plusieurs états. L’aide des gouvernemens locaux a été prêtée plus résolument aux chemins de fer au moyen de la concession de terrains dépendant du domaine public. Quant au gouvernement fédéral lui-même, il n’était intervenu en aucune manière dans de pareilles entreprises avant 1850 ; mais alors il dota splendidement une ligne d’une immense étendue, celle dite l’Illinois central, en lui votant une concession de terres publiques, dont la valeur n’était pas moindre de 90 millions de francs.

Le réseau des chemins de fer en Amérique ne provient pas d’un plan général. La création des premières lignes a eu pour résultat d’amener bientôt des prolongemens ou des embranchemens auxquels on n’avait pas songé d’abord ; le réseau s’est ainsi formé peu à peu et pour ainsi dire de pièces et de morceaux. Chacune de ces sections ne visait à l’origine qu’à satisfaire des intérêts de localité ; mais comme chaque chemin se dirigeait de préférence vers les villes le plus avantageusement situées, l’ensemble, en fin de compte, s’écarte rarement des directions les plus naturelles et les plus fécondes[1]. Bien que l’avènement des chemins de fer eût fait abandonner de nombreux projets de canaux, les travaux marchent si vite en Amérique, que les lignes ferrées ont souvent rencontré sur leur parcours soit des canaux déjà construits, soit quelqu’un de ces vastes cours d’eau qui traversent presque d’un bout à l’autre le territoire de la confédération. On a combiné dans ces cas-là, et parfois de la manière la plus originale, les deux modes de transport, le transport par eau et le transport sur le railways. Ainsi, de Savannah dans la Géorgie, on se rend en chemin de fer jusque sur la rive

  1. L’administration des chemins de fer est basée partout sur les mêmes règles. Les compagnies sont gérées par des conseils composés d’un président, d’un secrétaire et de plusieurs directeurs. Ces derniers sont choisis par les actionnaires, et leurs fonctions sont gratuites.