déjà sur une assez grande étendue, est pour ainsi dire sortie de terre. On a déblayé le sol sur toute sa longueur. Les trottoirs antiques ont été mis en évidence. Un grand nombre de tombeaux masqués par des constructions modernes ou ensevelis sous des décombres ont été dégagés. Maintenant on marche pendant plusieurs heures entre ces monumens, qui forment des deux côtés de la route une magnifique avenue funèbre. C’est comme la rue des Tombeaux qu’on traverse pour arriver à la porte de Pompéi, avec la différence dans la dimension des tombes et la longueur du chemin qui doit se trouver entre une jolie petite ville de la Campanie et la capitale du monde. Toutes les routes qui aboutissent à Rome étaient ainsi. Sur le bord de chacune d’elles, on voit quelques tombeaux, jalons épais de la double ligne que formaient les constructions funéraires rangées autrefois des deux côtés de la voie Latine, de la voie Tiburtine, de la voie Nomentane, etc. La voie Appienne a montré ce qu’étaient plus ou moins toutes les autres, et offre un magnifique spécimen des abords de Rome au temps de sa plus grande puissance. Ce sera bientôt la route ordinaire de Naples à Rome, et c’est par cette allée de sépultures qu’il conviendra d’entrer dans la ville des ruines.
Le même homme a attaché son nom à la création des deux sortes de constructions les plus propres au génie romain. L’auteur de la voie Appienne a fait bâtir le plus ancien aqueduc. Les lignes d’aqueducs qui subsistent encore intactes ou brisées font un si magnifique effet dans la campagne romaine, qu’on est un moment tenté d’oublier que ces monumens, pittoresques au plus haut degré, sont aussi des monumens utiles. Cependant on est ramené à cette considération en savourant à son dîner l’eau excellente qu’on boit à Rome ; car cette eau (du moins dans la partie qu’habitent les étrangers) est l’eau vergine, l’aqua virgo, choisie entre toutes pour son excellente qualité, et amenée par un aqueduc de quatorze milles qu’Agrippa a construit et que Sixte-Quint a réparé. Du reste, les anciens eux-mêmes avaient été frappés de ce caractère d’utilité particulier à l’architecture romaine. Strabon et Denis d’Halicarnasse, Grecs tous deux, le signalent à l’envi, et Frontin, dans son orgueil de Romain, oppose avec dédain à ces constructions qui apportent l’eau nécessaire pour abreuver un si grand nombre d’hommes les inutiles pyramides [pyramides otiosas) et les œuvres sans résultat (inertia), mais si pompeusement célébrées des Grecs.
Il faut remarquer toutefois que les aqueducs ne se bornent pas à être utiles, qu’ils sont beaux. Il n’était pas nécessaire de donner aux piliers qui soutiennent les arceaux cette masse qui les rend si imposans. Évidemment il y a là une prodigieuse puissance, et au point de vue économique une dépense inutile. Les modernes, quand