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nos lois criminelles. Ce n’est point ici la place d’une énumération qui serait longue. Il suffit de remarquer que, depuis l’accomplissement de réformes dont personne ne peut revendiquer l’honneur exclusif, mais dont l’auteur a donné le signal, certains principes fondamentaux du droit criminel ne sont plus contestés; ils ont pris possession de tous les esprits, des uns par l’autorité de la raison, des autres par la vulgarité de l’application, — et le retour de certaines indignités est devenu parmi nous à peu près impossible. La magistrature, s’élevant, autant que le comporte la faiblesse humaine, au-dessus des exigences des partis, les a forcés à reconnaître dans son indépendance une sûreté dont aucun d’entre eux ne peut se passer, que nul n’ébranlerait impunément, — et nos dernières révolutions, en répudiant les hontes judiciaires dont leurs devancières se montraient avides, ont constaté la solidité des résultats acquis.

Les succès de cette nature obligent; ils entraînent des conséquences auxquelles ne savent point se soustraire ceux qui ont mérité de les obtenir, et lorsque M. Bérenger recherche aujourd’hui ce que sont et ce que devraient être les formes et les effets de la répression pénale, il obéit visiblement à la même impulsion que lorsqu’il définissait devant la génération qui s’éloigne les bases de l’administration de la justice criminelle.

Il y a quatre ans déjà, au mois d’août 1851, l’Académie des sciences morales et politiques, qui avait souvent écouté avec intérêt les communications de M. Bérenger sur le régime des prisons, l’invitait à comparer, dans les principaux lieux de répression de France et d’Angleterre, les résultats des systèmes de pénalité des deux pays, et à rechercher les moyens de conserver les bons effets de l’expiation après la libération des condamnés. Les faits et les observations recueillis dans le courant de cette mission ont formé le fond d’une série de lectures faites à l’Académie pendant les années 1852, 1853 et 1854[1]. Le public peut maintenant juger du haut intérêt qu’elles ont présenté, et il ne se plaindra pas que, pour embrasser complètement l’objet principal de ses investigations, M. Bérenger ait plusieurs fois été forcé d’en élargir le cadre. L’auteur a senti que les théories de l’expiation ne mériteraient pas d’être étudiées, si les peines n’étaient point appliquées avec justice, et il a tenu à montrer, par de savans rapprochemens entre le présent et le passé, quelles garanties protègent aujourd’hui les justiciables contre les erreurs ou les faiblesses du juge. Nous ne le suivrons point dans cette instructive et rassurante partie de son travail, et pour mieux concentrer

  1. De la Répression pénale, lectures faites à l’Académie des sciences morales et politiques, par M. Bérenger de la Drôme, président à la cour de cassation, 2 vol. in-8o, 1855.