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l’attention sur le système pénal proprement dit, nous ne considérerons le coupable qu’au lendemain d’une condamnation, lorsque la mort, les travaux forcés ou l’emprisonnement lui sont infligés, et nous examinerons dans ces peines l’effet obtenu sur celui qui les subit, la réaction produite sur la société qui les décrète et les applique.


I.

En abordant l’exposé des faits et des opinions qui se rapportent à la peine de mort, M. Bérenger n’a point mis en question, comme on l’a fait quelquefois de nos jours, le droit qu’a la société de disposer de l’existence de ceux de ses membres qui attaquent la sienne ou celle de leurs égaux. Ce droit est celui de légitime défense que tout individu tient de la nature, c’est le droit d’exister, et il ne change point de caractère quand l’exercice en est collectif et régularisé par les lois. Tant que l’application en est nécessaire à la sûreté du corps social, elle est un devoir de l’autorité publique. M. Bérenger l’a plus d’une fois proclamé : il ne dissimule pas cependant l’ardeur de ses vœux pour l’abolition de la peine de mort; il fait plus que la souhaiter, il espère qu’elle deviendra possible, avantageuse même, et n’avoue qu’avec un visible regret qu’elle serait aujourd’hui prématurée.

Si l’abolition de la peine de mort n’était qu’une question de temps et d’opportunité, le maintien de la loi serait bien près d’être une barbarie, et il serait misérable, quand elle serait condamnée au fond, de chercher à la conserver provisoirement. D’un autre côté, quand un homme qui réunit à une haute expérience le mérite d’avoir su résister aux entraînemens de son cœur en présence des besoins sociaux qui prescrivaient ce sacrifice, quand un tel homme va jusqu’à douter de l’efficacité de la peine capitale comme moyen de prévenir le crime, il ajoute aux craintes que la rigueur du châtiment et l’impossibilité d’en réparer l’erreur peuvent jeter dans les âmes du législateur, du juré, du juge; il risque d’ébranler la fermeté de leur raison dans l’accomplissement des devoirs où elle devient le plus nécessaire. Ce sont là de sérieux motifs d’étudier les opinions de M. Bérenger, et de chercher des solutions nettes et définitives sur des questions dans lesquelles nous avouons ne pas croire l’état de transition admissible.

Selon le savant criminaliste, « la peine de mort a été complètement écartée de la législation de plusieurs peuples avec assez de succès pour qu’on soit fondé à supposer la possibilité d’y substituer en France des peines qui n’exposeraient pas la moralité de la nation au même dommage. Le spectacle de nos sacrifices expiatoires