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infesté par les miquelets : le pillage, l’incendie, le meurtre, le viol, désolaient le pays ; ce n’étaient que sang et ruines, et la dévastation devenait de jour en jour plus insolente et plus cruelle. Le maréchal de Catinat, pour y mettre un terme, arma des conseils de guerre ambulans de pouvoirs discrétionnaires. Ces conseils rendaient au bord des routes, sur des preuves, il faut l’avouer, assez sommaires, des arrêts qui s’exécutaient à l’instant même aux branches de l’arbre voisin. À peine eut-on senti le poids de cette justice rapide, que le brigandage s’arrêta et rendit les armes ; la sécurité rentra dans les campagnes ; les bons et les faibles respirèrent. La rigueur du maréchal de Catinat fut-elle d’un barbare ? Les populations qu’elle sauva ne s’y méprirent pas, et sa mémoire est encore bénie sur les deux revers des Alpes. — Au début du consulat, l’ouest et le midi de la France ont été purgés par des moyens analogues des bandes de chouans et de chauffeurs qui les désolaient, et le nombre des brigands sacrifiés n’a rien été auprès de celui des victimes soustraites à leurs coups. Il ne faut que se reporter aux circonstances où se sont accomplis ces événemens et cent autres du même genre pour se convaincre que l’application de la peine capitale est quelquefois le seul moyen d’arrêter un pays sur la pente de la barbarie, de sauver la faiblesse et la famille immolées.

Si nous voulons supprimer la peine de mort, supprimons d’abord la guerre et ceux qui la font. Pour conserver en rase campagne la discipline parmi des masses d’hommes armés, pour comprimer dans leur sein les plus cruels abus de la force, pour retenir sous le feu de l’ennemi le lâche qui voudrait s’enfuir, pour assurer l’exécution d’ordres dont dépend souvent le salut de tous, pour préserver l’armée d’anéantissement et conjurer des maux extrêmes, l’imminence d’un châtiment extrême est seule assez puissante. La navigation n’est pas plus possible que la guerre sans cette condition. Le jour où l’on ne pendra plus les pirates aux vergues de leur navire, la mer n’aura plus d’autres maîtres qu’eux, et le commerce ne la sillonnera que sous leur bon plaisir. Or on ne saurait comprendre à quel titre la peine capitale serait maintenue dans les lois militaires et dans les lois maritimes après avoir été rayée des lois civiles, ni comment des crimes également horribles seraient l’objet ici de la rigueur, là de l’indulgence du législateur.

Et qu’on ne dise pas qu’en élargissant pour tous la carrière de la violence, les grands désordres sociaux, les rassemblemens armés pour la guerre, les croisières sur les solitudes de l’Océan constituent des situations exceptionnelles, exclusives des adoucissemens à introduire dans la punition des crimes privés. Ces situations, par cela seul qu’elles sont toujours tendues et souvent générales, entraînent des