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cloches de la ville sonnent à l’unisson l’agonie du condamné ; les églises se remplissent, et dans toutes on célèbre en même temps pour lui l’office des morts. Cette association de l’appel à la miséricorde divine et de l’application des rigueurs de la justice humaine, cette intercession d’autant plus empressée que le besoin en est plus grand et l’objet plus misérable, ces prières dont l’écho vient mêler aux dernières angoisses d’un criminel un sentiment de gratitude et d’espoir, cette fraternité proclamée à l’aspect d’une mort infamante, sont bien plus propres que le spectacle du sang versé à graver profondément dans les âmes de salutaires impressions.

Si ce qui précède est vrai, l’abolition de la publicité des exécutions est la réforme la plus désirable qui soit à faire aujourd’hui dans le Code pénal. Il suffirait pour l’opérer de la suppression d’un seul article[1], et sans doute les différentes communions chrétiennes détermineraient, dans leur liberté légale, quel concours il conviendrait à chacune d’entre elles d’apporter à l’efficacité des exemples donnés par les arrêts de la justice.


II.

Les travaux forcés viennent, dans l’échelle des peines, après la mort. Jusqu’en 1852, les condamnés aux travaux forcés étaient dirigés sur les arsenaux de la marine, dont les ateliers avaient naguère remplacé dans ce service les galères du roi. Les galères étaient les bateaux à vapeur d’un temps qui ne savait pas vaincre les unes par les autres les forces inanimées de la nature : elles marchaient aussi contre les vents et les courans, mais elles n’avaient de moteurs que la force musculaire de l’homme. Leur long tillac était partagé d’un bout à l’autre par une coursie, des deux côtés de laquelle étaient rangés les bancs des rameurs. Chaque rame était manœuvrée par cinq hommes, dont quatre, la taille enfermée dans une ceinture de fer, étaient rivés par une chaîne à leur banc : ils y prenaient leurs repas, leur sommeil, y supportaient les intempéries, y traînaient en un mot toute leur existence, et, dans la marche, les argousins qui les surveillaient du haut de la coursie gourmandaient à coups de nerf de bœuf leur lassitude ou leur paresse. Si la galère coulait par accident de mer ou de combat, la chiourme vissée à ses flancs descendait dans l’abîme avec elle, sans que personne pût la secourir ou daignât la plaindre ; si periissent, vile damnum.

Cet état de choses dura jusqu’au milieu du règne de Louis XIV : les perfectionnemens des constructions navales et de l’artillerie

  1. Art. 26. « L’exécution se fera sur l’une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l’arrêt de condamnation. »