cherche, n’y rencontre que des émotions ; elle s’y précipite sous les excitations de la curiosité barbare qui la poussait à Rome aux combats de gladiateurs ; elle veut voir comment on tue, et murmurerait si le spectacle sur lequel elle compte venait à manquer. C’est au travers d’une foule ainsi disposée que s’avance le condamné, et il lit dans les milliers de regards qui pénètrent les siens qu’on n’a d’attention que pour la contenance qu’il va faire. Soit dégoût de la vie, soit bravade, soit courage réel, beaucoup de criminels montent sur l’échafaud comme sur un théâtre. Morituri le sulutant, semblent-ils dire à l’assistance avide qu’ils dominent par leur sang-froid. Se voyant observés, ils tentent à ce moment suprême d’exciter un sentiment d’étonnement, d’admiration peut-être : ils y réussissent souvent, tant les hommes s’inclinent volontiers devant qui dédaigne les objets de la terreur commune. Si la multitude remporte plus d’impression de l’attitude et du coup qui l’ont émue que de terreur du châtiment infligé, si la scène sanglante que vient d’éclairer le soleil a jeté en quelques âmes fortes dans leur perversité le germe d’une sauvage émulation, l’effet produit par l’appareil du supplice a été diamétralement contraire à celui qu’avait en vue le législateur.
Ces considérations ont déterminé plusieurs états d’Allemagne à supprimer la publicité des exécutions. Elles s’y font aujourd’hui dans les cours intérieures des prisons, en présence d’un petit nombre de témoins désignés par leurs fonctions ou par l’autorité[1]. Recueillant, il y a quelques mois, pour un des membres les plus éminens de notre magistrature des renseignemens sur les résultats de cette réforme, j’ai eu recours aux dépositaires les plus intimes des sentimens des condamnés, aux ecclésiastiques dévoués qui les assistent à leurs derniers momens. Le silence et l’isolement en présence de l’instrument du supplice ont une solennité qui vaut celle de l’affluence de la foule sur la place publique et du spectacle dont un mourant est chez nous l’acteur principal. Conduit par son crime an seuil de l’autre vie, le condamné n’est distrait par aucun appareil étranger de ses regrets, de ses craintes, de ses espérances, et il aborde l’expiation dans un état de recueillement qui appelle la bénédiction du prêtre. Le sens moral du public perd peu de chose dans la part que lui donnent nos lois à ce drame lugubre, et si dans les pays protestans l’expiation passe à peu près inaperçue de la population, il peut en être autrement dans les pays catholiques. C’est ainsi que dans plusieurs provinces d’Espagne, à l’heure d’une exécution, toutes les
- ↑ La réforme a été opérée en Prusse par une loi du 14 avril 1851, et les témoins sont, aux termes de l’article 8 : deux juges, le greffier du tribunal et un employé du parquet, — un employé supérieur des prisons, — le défenseur du condamné, — l’aumônier des prisons, — douze personnes désignées par le bourgmestre de la ville. — L’exécution est annoncée par une cloche qui sonne jusqu’à ce qu’elle soit terminée.