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vingts maisons. Il y avait deux rues qu’on cherchait et qu’on ne trouvait plus. Nous abrégerons cette trop longue histoire. Ceux qui croient que notre planète doit périr par l’eau trouveront dans les tragiques annales de la Hollande un avant-goût de leurs sinistres prophéties. Là, l’homme a senti de siècle en siècle la terre manquer sous ses pieds ; il a vu les abîmes de l’Océan monter au-dessus des contrées les plus florissantes et les balayer comme le flot qui raie le sable.

Les auteurs latins ne font aucune mention de l’énorme golfe par lequel la mer pénètre aujourd’hui si avant dans les Pays-Bas. Divers récits indiquent au contraire que la Frise touchait alors à la Hollande par la terre ferme. Il existe une carte de 1584 dans laquelle l’auteur, Abraham Ortelius, reconstruit, sur le témoignage des historiens, l’ancienne configuration du pays avant l’existence du Zuiderzée. Là s’étendait une vaste région, entrecoupée par différens lacs intérieurs : le plus considérable de ces lacs était le lac Flevo (Vlieland), dont parle Tacite. Ce lac s’était formé, selon Pomponius Mela, par les débordemens du Rhin. Il était traversé par une rivière du même nom (Flevum), qui avait son embouchure dans la mer. Un jour l’Océan s’élança, creusa un isthme et entra dans le lac Flevo : renforcé de cet auxiliaire, l’ennemi ne tarda point à s’avancer dans l’intérieur du pays. Les invasions successives par lesquelles une grande partie du territoire fut transformée en une baie commencèrent et finirent avec le XIIIe siècle. Des documens certains, des relations écrites par les habitans des provinces voisines, témoins contemporains du désastre, ne laissent aucun doute sur la formation récente du Zuiderzée. C’est par des mouvemens réitérés de la mer qu’une immense étendue de terres basses a été ensevelie. En l’année 1205, l’île appelée maintenant Wieringen, au sud du Texel, faisait encore partie de la terre ferme ; elle en fut détachée par plusieurs déluges dont on connaît les dates : en 1251, la séparation était achevée. Encouragée par ces premiers succès, la mer se jeta sur un isthme riche et populeux, qui s’étendait au nord du lac Flevo, entre Staveren en Frise et Medenblick en Hollande ; vers l’an 1282, toute cette région était anéantie. Il est impossible de promener ses regards sur les côtes du Zuiderzée, si belles l’été, si calmes parfois, sans songer aux catastrophes qui ont fait cette mer, aux cités florissantes qui ont trouvé leur tombeau dans ses vagues.

Ces révolutions de la nature ont exercé une influence sur l’histoire politique des Pays-Bas. La destinée des villes qui touchent aujourd’hui les bords du golfe a été modifiée par suite des changemens survenus dans la géographie de cette contrée. L’importance d’Enkhuisen, de Merlenblijk, de Hoorn, anciennes métropoles de la Frise au temps où l’espace occupé maintenant par le Zuiderzée faisait