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L’histoire des découvertes arctiques est une des preuves les plus éclatantes de ce que peut l’homme en lutte avec les forces naturelles, elle fait voir au service de combien de passions diverses il peut mettre cette activité obstinée qui finit par triompher de tous les obstacles. Là où se hasardèrent d’abord quelques pêcheurs aventureux, des hommes entreprenans se succédèrent, entraînés par l’amour et la soif de l’or, qui s’étaient emparés de l’ancien continent après la découverte mémorable de Christophe Colomb; les plus nombreux allèrent y chercher ce fameux passage du Nord, qui devait être une grande route nouvelle pour le commerce du monde. De nos jours enfin, on a vu partir pour ces régions désolées des hommes animés du seul amour de la science et de l’ambition des découvertes. Quelques-uns, soldats obscurs du devoir, étaient surtout préoccupés du désir de soutenir l’honneur du pavillon national; d’autres, et ceux-là plus héroïques encore, allaient rechercher leurs devanciers perdus et courir volontairement au-devant des dangers mêmes auxquels ils espéraient les arracher.

A l’honneur de l’Angleterre, il faut dire que, depuis le règne de la reine Elisabeth jusqu’à nos jours, c’est la nation anglaise qui a fait les frais de presque toutes les expéditions arctiques; elle a porté dans ces entreprises ce courage patient et cette opiniâtreté résolue qui forment le trait le plus étonnant de son génie. Ce sont des noms anglais qui couvrent les cartes polaires, et plus d’un marque la place d’un tombeau. Ainsi la souveraine des mers a voulu ajouter à son empire jusqu’à ces solitudes oubliées, environnées de mystère et de terreur, d’où la nature semblait vouloir à jamais repousser l’homme.

Pour se rendre un compte exact de l’importance de telles entreprises et des difficultés particulières que présente la navigation dans les régions rapprochées du pôle, il faut en connaître la configuration géographique et le climat. Un rapide tableau de ces contrées peut seul nous aider à mieux comprendre les tentatives d’exploration dont elles ont été le théâtre, aussi bien que les étranges difficultés qu’elles, opposent aux efforts du génie humain.


I. — CONFIGURATION ET CLIMAT DES REGIONS POLAIRES.

On comprend sous le nom de zones glaciales les portions de la terre qui dépassent les latitudes de 66° 32’, et qui forment ainsi, pour parler le langage des géomètres, deux calottes sphériques dont les deux pôles sont les centres, et qui sont séparées des zones dites tempérées par les cercles polaires. Cette limite n’est point arbitraire : en-deçà du cercle polaire, le soleil se lève et se couche tous les jours de l’année; au-delà, il reste à certaines époques de l’année plus d’un