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jour au-dessus et au-dessous de l’horizon. Si la terre, en se mouvant sur son orbite, tournait autour d’une ligne qui lui fût exactement perpendiculaire, les nuits seraient égales en tous les points du globe, et des jours égaux leur succéderaient régulièrement; mais en réalité elle tourne autour d’une ligne oblique à son orbite. Un des pôles fait toujours face au soleil, et le mouvement de rotation ne peut pas le dérober à ses rayons; il demeure ainsi éclairé jusqu’à ce que le mouvement de translation de la terre amène insensiblement devant le soleil le pôle qui pendant tout ce temps était resté dans l’obscurité. A la latitude de 70 degrés, le soleil ne se couche point pendant environ soixante-cinq jours, et ne se lève pas pendant, soixante jours; à celle de 80 degrés, il reste sur l’horizon pendant cent trente-quatre jours, et au-dessous pendant cent vingt-sept jours. Il a suffi par conséquent qu’une faible inclinaison fût imprimée à l’axe de la terre pour que la lumière et l’obscurité fussent réparties sur certains de ses points d’une manière si exceptionnelle et si peu en harmonie avec les alternances invariables et régulières de nos climats.

Un autre phénomène bien connu est lié à la même circonstance. On sait que tant que le soleil n’est point descendu à plus de 18 degrés environ au-dessous de l’horizon, nous recevons encore ses rayons brisés ou plutôt courbés par la réfraction atmosphérique. Cette lueur crépusculaire est d’autant plus vive, qu’elle est plus rapprochée du point où le soleil s’est couché; elle s’affaiblit par degrés dans la direction du point opposé de l’horizon. Le crépuscule a une durée variable aux différentes époques de l’année : à Paris, par exemple, il dure exceptionnellement toute la nuit à l’époque du solstice d’été. Dans la zone glaciale, le crépuscule peut continuer pendant des journées entières et même des mois, suivant qu’on s’approche davantage du pôle. Au pôle boréal même, du 21 mars au 23 septembre, il règne un jour absolu; un crépuscule de cinquante-trois jours lui succède, puis une obscurité complète de deux mois et demi, puis un nouveau crépuscule de cinquante-deux jours.

Aussitôt qu’on entre dans la zone glaciale, toutes les conditions ordinaires de la vie se trouvent donc altérées. L’homme est habitué dès l’enfance à la bienfaisante périodicité du jour et de la nuit, qui se lie, pour lui, aux alternatives de repos et d’activité : il éprouve je ne sais quel sentiment d’abandon et d’inquiétude quand il ne voit pas remonter sur l’horizon l’astre qui lui verse la chaleur avec la lumière et donne la vie à toute la nature. Les heures de la longue nuit arctique doivent paraître bien lentes aux matelots, condamnés à un loisir forcé et enfermés dans les flancs de leur vaisseau. Dans cette étroite retraite, ils combattent avec peine les rigueurs d’un froid cruel; au dehors, tout est ténèbres, mystère et solitude; les vents