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les côtes de l’Amérique russe, ainsi que les alentours du détroit de Behring et du Kamtchatka jusque vers son extrémité méridionale. Elles s’étendent à une énorme distance tout le long de l’Asie, unissent au continent les terres abandonnées de la Nouvelle-Zemble et de la Nouvelle-Sibérie, remplissent toute la Mer-Blanche et s’étendent sur la côte orientale de la Laponie. Enfin une vaste plaine glacée unit le Spitzberg et la partie occidentale de l’Islande aux rives inhospitalières du Groenland.

Si l’on peignait d’une même couleur sur un globe terrestre toutes les régions arctiques qui, pendant l’hiver, sont recouvertes par les glaces, l’observateur le plus inattentif ne pourrait manquer d’être frappé par certaines singularités de leur contour : des côtes situées à la même latitude peuvent être, l’une complètement libre, l’autre défendue par une large barrière de glaces. C’est que la température d’une contrée ne tient pas seulement à son éloignement du pôle; elle est aussi en rapport avec sa configuration, avec la distribution relative des terres et des eaux et avec les grands mouvemens qui se produisent dans le sein des mers sous le nom de courans. Tout le monde sait que les eaux échauffées sous l’équateur se répandent vers le pôle et que les glaces du nord viennent se fondre dans les zones tempérées : il se fait ainsi un perpétuel échange de froid et de chaleur qui tend à niveler les températures, et l’on peut dire de la mer qu’elle est le grand modérateur des saisons. A mesure qu’on pénètre dans l’intérieur des terres, ces influences régulatrices s’effacent, et la tendance aux températures extrêmes se prononce. M. de Humboldt a depuis longtemps développé ces admirables relations naturelles et distingué ce qu’on peut nommer les climats insulaires ou maritimes des climats continentaux.

Le grand courant chaud, connu sous le nom de gulfstream, prend naissance dans le golfe de Floride, suit quelque temps les côtes de l’Amérique, puis s’infléchit fortement, vient passer entre l’Islande et les îles Hébrides, rase la Norvège méridionale et va rencontrer la Nouvelle-Zemble. Pour donner une idée de l’importance de cette masse d’eau, il suffira de dire que si l’atmosphère entière de la France et de l’Angleterre était à la température de la glace fondante, la chaleur que le gulfstream vient verser en un seul jour dans les mers arctiques l’élèverait aux températures de nos étés les plus ardens. Par un contraste bien fait pour étonner, c’est pendant que l’hiver exerce ses rigueurs dans la zone boréale que le courant chaud y pénètre le plus profondément. À cette époque, le grand contre-courant qui charrie pendant l’été les glaces polaires vers le sud se trouve arrêté : ces glaces restent encore attachées aux rivages et remplissent les grands fleuves de l’Asie. Il faut se rappeler d’ailleurs que la glace