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aux bons Samaritains dont parle l’Évangile, ne les cherchez pas dans ces petites villes perchées au sommet des montagnes voisines, et que tout pèlerin évite prudemment. Nos guides, deux chrétiens catholiques de Nazareth, nous racontaient, chemin faisant, des histoires peu rassurantes, qui ne s’accordent que trop bien avec l’aspect sinistre du pays. Notre première nuit se passa à Djenim, petite bourgade où nous fûmes reçus dans la maison d’un médecin qui se trouvait pour le moment à Jérusalem. Le lendemain, nous reprîmes notre marche à travers des solitudes montagneuses dont les grandes lignes n’étaient pas sans beauté. Des rochers aux formes bizarres s’échelonnaient autour de nous, et des taches sombres, éparses çà et là sur leurs flancs rougeâtres, y indiquaient des habitations humaines. Au bord des torrens desséchés croissaient des lauriers-roses et des oliviers séculaires. Aux approches de Naplouse, le sombre caractère de ces lieux désolés s’accusa de plus en plus. Je me rappelais involontairement l’histoire sanglante des rois de Juda. Sur ces cimes abruptes s’élevaient les temples de Baal ; dans ces âpres vallons retentissaient les chants blasphématoires. Avec quel charme ne salue-t-on pas les oasis qui jettent au milieu de ces sables et de ces pierres la fraîcheur des eaux vives et le parfum des fleurs sauvages ! Les oasis sont malheureusement trop rares. Je ne conseillerais jamais, comme distraction, aux tempéramens mélancoliques une course dans l’ancien royaume de Juda. Le plus intrépide touriste, s’il était amené les yeux bandés de Marseille aux environs de Naplouse, serait saisi d’une sorte de terreur en ôtant son bandeau et en découvrant pour la première fois cette terre de malheur.

Naplouse contraste avec l’âpreté des lieux qui l’environnent. Protégée par des bois d’oliviers et de figuiers, l’ancienne Samarie me parut une délicieuse retraite, et j’aurais été heureuse de m’y reposer des tristes impressions qui m’avaient accompagnée depuis Nazareth ; mais nous étions au vendredi saint, il ne nous restait plus qu’un jour pour atteindre Jérusalem avant les fêtes de Pâques. C’est dans un village à deux lieues de Naplouse que nous devions passer la nuit. Nous prîmes bravement notre parti, et sans entrer dans Naplouse, nous nous dirigeâmes vers notre gîte, encore éloigné, à travers les montagnes où l’on montre encore le puits de Jacob, le même auprès duquel Christ rencontra la Samaritaine. Aux dernières lueurs du crépuscule, nous aperçûmes un amas de pierres entouré d’un petit mur ruiné : c’était là le puits célèbre. Je dois dire que quelques-uns de mes compagnons, qui nous rejoignirent près de là après avoir pris une autre route, avaient vu de leur côté un puits qu’on désignait comme le théâtre de la rencontre de Jésus et de la femme