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créés ; c’est en vain que j’évoquais les grands souvenirs de la Bible et de l’Évangile : rien ne réussissait à exciter en moi cet enthousiasme que tant d’âmes d’élite avaient éprouvé en présence des mêmes lieux. Humiliée et découragée, j’allai trouver le père capucin chargé de me faire les honneurs de Nazareth. Il me conduisit à l’église de l’Annonciation d’abord, puis dans les divers sanctuaires élevés sur les lieux nommés dans les Écritures. Je ne discuterai pas l’authenticité des monumens de Nazareth, je dirai seulement en quoi ils consistent. L’église de l’Annonciation, petite et de construction singulière, — la nef du milieu étant moins profonde que les nefs latérales, — domine une chapelle souterraine où l’on montre la colonne devant laquelle la Vierge était agenouillée lorsqu’elle fut visitée par l’envoyé céleste. C’est dans des grottes souterraines, remarquons-le en passant, que les pères de Terre-Sainte placent le théâtre de tous les grands événemens de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette circonstance s’explique par les habitudes encore persistantes de la population, qui creuse volontiers ses demeures dans le flanc des montagnes. La vie à Nazareth a dû être il y a plusieurs siècles ce qu’elle est maintenant. On me montra encore une chapelle bâtie sur l’emplacement d’un lieu où Jésus-Christ fit un repas avec ses disciples, une autre destinée à consacrer les restes de la maison habitée par Joseph. La chapelle a des murs blanchis à la chaux et des fenêtres ornées de rideaux blancs à bordure rouge. On répugne à placer en pareil lieu les scènes de l’enfance de Jésus. À vrai dire, l’origine des indications qu’on donne ici sur les divers lieux illustrés par les scènes de l’Évangile ne remonte pas au-delà de l’établissement des pères de Terre-Sainte à Jérusalem. Ces bons moines ont été les grands collecteurs des traditions locales. Sur tous les points qu’elles signalaient à leur vénération, ils ont élevé des sanctuaires et des couvens. Peut-on les blâmer d’un excès de crédulité qui atteste après tout une foi ardente ? Mieux vaut accueillir leurs récits avec la sympathie que mérite tout élan de piété naïve, mais avec la réserve aussi qu’on doit apporter toujours en présence de témoignages transmis et souvent altérés peut-être par la tradition orale.

Le pays qu’on traverse de Nazareth à Jérusalem est l’ancien royaume de Juda ; la population qui l’habite est aujourd’hui comme autrefois redoutée pour son caractère féroce et son immoralité. Sur la route de Nazareth à Jérusalem, on rencontre d’abord Naplouse, l’ancienne Samarie, après avoir dépassé une plaine inculte et déserte à la gauche de laquelle s’élève le Thabor. Le voyageur a devant lui des contrées vouées à la sécheresse ; un air embrasé y fatigue la poitrine de l’homme et dépouille le sol de toute verdure. Les tourmens de la soif deviennent insupportables. Quant