Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prince qui n’était pour rien dans les fautes de son père? Tout cela m’inquiète, je l’avoue, et je ne sais qu’en penser. » Ces dernières paroles avaient été dites par l’empereur comme en confidence, et point du tout officiellement; il l’avait fait lui-même remarquer à Stedingk, en déclarant qu’il ne prétendait s’immiscer en rien dans les affaires intérieures de la Suède. La suite du récit nous montrera, ou bien qu’Alexandre ne resta pas fidèle à cet engagement, ou bien que la Suède détestait assez la Russie pour lui attribuer sans cesse tous ses maux.

Il faut avouer que les apparences étaient peu à l’honneur de la Russie. Après la révolution du 13 mars, Alexandre n’avait pas reconnu le nouveau gouvernement suédois. Il avait témoigné ensuite son peu de goût pour la constitution votée par la diète. Chose curieuse, on lui avait attribué en Suède l’intention d’y substituer, par son influence toute-puissante, l’ancienne constitution de 1720, cet instrument d’anarchie auquel Catherine et Frédéric II s’intéressaient si fort lorsqu’ils voulaient préparer à la Suède le sort de la Pologne. Fondé ou non, le soupçon fait voir quelle était l’opinion en Suède à l’endroit des menées russes. De plus, Alexandre n’accepta jamais franchement le prince royal élu en 1809. Il est vrai que les motifs et les espérances qui avaient dirigé cette élection ne devaient point lui plaire. Les Suédois avaient compté que l’avènement du prince d’Augustenbourg, élu prince royal, réunirait la Norvège à la Suède. Or le cabinet de Saint-Pétersbourg était alors l’allié du Danemark; c’était son devoir de ne pas consentir à cette réunion. Les Suédois en outre croyaient trouver dans les talens et dans les sentimens du prince un ferme appui, une défense contre la Russie. Dans les pourparlers qui avaient précédé son élection, le comte de Platen avait représenté au prince qu’une fois la Suède écrasée par cette puissance, viendrait le tour de la Norvège, et que les intérêts des deux pays étaient communs aussi bien que leurs affections. « Permettrez-vous notre ruine, lui disait-il, pour devenir ensuite vous-mêmes la proie des barbares? — Non, avait répondu le prince avec chaleur, et malgré ses précédons scrupules, mille fois non ! Plutôt succomber et m’exiler en Amérique ! » Et il avait promis qu’en attendant il supplierait le roi de Danemark de l’autoriser à occuper, de concert avec l’année suédoise, une partie du territoire menacé pour s’opposer aux progrès de l’invasion russe. Alexandre n’ignorait pas ces menaces. Enfin le nouveau prince royal promettait à la Norvège une constitution libérale; il acceptait en Suède celle que la diète et Charles XIII venaient de proclamer. La Russie pouvait-elle accepter sans déplaisir le voisinage d’un gouvernement constitutionnel?

Les difficultés qui entouraient le nouveau gouvernement pouvaient