à un de ces généraux, sûr de trouver dans la diète et dans la nation de nombreux échos pour une telle proposition, et persuadé que, s’il réussit, il aura sauvé son pays. L’esprit occupé de son hardi dessein, à peine a-t-il remis ses dépêches à M. de Lagerbielke, auquel il se garde bien, en diplomate habile, de confier son secret, qu’il court chez un de ses amis parisiens, le géographe Lapie, occupé alors comme officier au bureau topographique. Il lui fait part de ses rêveries politiques : « En Suède, dit-il, nous ne pensons qu’à réparer nos pertes. Il règne parmi nous un grand enthousiasme pour Napoléon ; on attend tout de lui ; on est prêt à accepter pour roi le candidat qu’il aura désigné. » Lapie, jeune et enthousiaste lui-même, épris de la gloire de la France, fier pour son compte de ces lointaines et vives sympathies, prévoyant d’ailleurs, parce qu’il la désirait, la lutte prochaine de Napoléon contre la Russie, saisit vivement toutes les conséquences d’un si hardi projet. Sans donner trop d’attention à l’invraisemblable, qui, dans ce temps-là, n’étonnait et n’arrêtait personne, il l’adopte tout d’abord. — Mais entre tous les maréchaux de l’empire, quel serait l’élu des deux jeunes officiers, et lequel feraient-ils roi ? On se mit à les passer en revue. Mörner connaissait personnellement Macdonald. Il fut question d’Eugène Beauharnais, de Berthier, de Masséna, de Davoust. Lapie, fort indépendant et plus dévoué à la cause de la révolution qu’à celle de l’empereur, fut d’avis qu’à l’exception du premier, tous ces personnages ne seraient autre chose que des instrumens dociles entre les mains du maître. Mörner exprima finalement sa prédilection pour Bernadotte ; Lapie n’y contredit pas. Parent de l’empereur, libre par caractère, aimé dans le nord de l’Allemagne pour son administration du Hanovre, déjà connu des Suédois, dont il avait bien traité les prisonniers en 1806 à Lübeck, enfant de la révolution, brave capitaine, ancien ministre de la guerre, ancien ambassadeur, pourvu enfin d’une grande richesse personnelle et d’un héritier de onze ans, Bernadotte réunissait, tout compte fait, les conditions désirables. La discussion fut close, et le choix des deux amis décidé en faveur du prince de Ponte-Corvo.
Telle fut la première scène du drame bizarre qui devait se dénouer dans la plaise de Leipzig en 1813. Le lendemain de son entretien avec Mörner, Lapie communiqua le projet au général Guilleminot, afin d’arriver par lui à connaître les dispositions de l’empereur, et Mörner prit le même jour pour second confident un compatriote, Signeul, consul-général de Suède à Paris. Celui-ci, qui échangeait déjà en perspective son consulat-général pour une légation, crut volontiers au parti déjà formé en Suède, aux dispositions