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bienveillantes de Napoléon, à tout ce que l’éloquence du lieutenant lui proposa, et il fut convenu qu’on irait droit au maréchal sans rien dire à Lagerbielke.

Ce fut le 25 juin 1810 que Mörner eut sa première entrevue avec le prince de Ponte-Corvo. Il se présenta comme l’organe d’un parti déjà important en Suède. Membre de la diète, il affirmait que les sympathies de cette assemblée, qui lui étaient bien connues, rendraient facile l’élection du prince, et que Charles XIII n’aurait pas d’autre volonté que celle des représentans de la nation. Bernadette l’écouta avec une attention qui ne semblait pas exempte de défiance, lui répondit avec une réserve polie qui embarrassa Mörner, et se rappela finalement la prédiction de Mlle Lenormand, qui lui avait annoncé qu’il porterait une couronne, mais qu’il devrait passer les mers pour aller la recevoir. Le premier personnage d’importance à qui le secret fut confié fut le général Wrede, que Charles XIII avait chargé de présenter sa dernière lettre à Napoléon. Chef d’une famille ancienne et honorée à la cour de Stockholm, allié, par suite d’un premier mariage, au maréchal Macdonald et à la famille de Sémonville, alors en possession d’un grand crédit, Wrede jouissait d’une influence considérable et pouvait servir utilement la cause du nouveau candidat. Il venait d’avoir sa dernière audience de l’empereur, à qui naturellement, selon ses instructions et dans son ignorance du plan imaginé par Mörner, il n’avait nommé comme candidat sérieux que le duc d’Augustenbourg ; il se préparait à partir pour la Suède. On imagine facilement sa stupéfaction quand Mörner, qui avait servi autrefois sous ses ordres, se présenta mystérieusement chez lui, le pria de fermer sa porte au verrou, lui demanda, sur sa parole d’honneur, de ne rien révéler prématurément de ce qu’il allait lui confier, et lui raconta, en invoquant son concours, comment il avait employé son temps à Paris depuis sa récente arrivée. Wrede, qui avait quitté la Suède avant la mort de Charles-Auguste, crut sans peine que l’état des esprits était tel que Mörner le représentait ; il n’y avait là rien d’invraisemblable, tant l’opinion publique à Stockholm était depuis longtemps favorable à la France ; il se rappela avec quelle indifférence Napoléon lui avait paru accueillir tous les candidats dont il avait été déjà question, et crut en pouvoir conclure qu’il désirait secrètement un choix semblable à celui-ci, peut-être celui-ci même. Personnellement Wrede adorait la France, il aimait en particulier le prince de Ponte-Corvo, dans la maison duquel il était familièrement admis ; toutes ces circonstances le déterminèrent à ne pas rejeter les espérances de Mörner et à en parler franchement à Bernadette. Cette nouvelle ouverture donnant un grand poids à la première, on convint que Mörner rédigerait lui-même par écrit sa proposition, afin que