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XXII.

Je vais errant au milieu des fleurs, et moi-même je m’épanouis avec elles ; je vais errant comme dans un rêve, et je chancelle à chaque pas.

Oh ! soutiens-moi, ma bien-aimée ! sans cela, l’ivresse d’amour va me précipiter à tes pieds, et le jardin est plein de monde.

XXIII.

Comme au sein des vagues impétueuses tremble l’image de la lune, tandis qu’elle-même chemine, d’un pas sûr et calme, en haut de la voûte céleste,

Ainsi toi, ma bien-aimée, tu poursuis ton chemin, calme et sereine, et c’est bien ton image seule qui tremble au fond de mon cœur, parce que mon cœur est ébranlé.

XXIV.

Nos cœurs ont conclu la sainte-alliance ; pressés l’un contre l’autre, ils se comprenaient bien.

Seulement, hélas ! la jeune rose qui ornait ta poitrine, cette pauvre alliée, a été presque écrasée par notre entente cordiale.

XXV.

Dis-moi, qui a inventé les horloges, la division du temps, les minutes et les heures ? C’était un homme triste et froid. Il était assis pendant une nuit d’hiver, il réfléchissait, il comptait le trottement familier des souris et le bruit monotone du ver qui ronge le bois en mesure.

Dis-moi, qui a inventé les baisers ? C’était une bouche tout enflammée de bonheur. Elle jetait ses baisers sans penser à autre chose. C’était dans le beau mois de mai ; les fleurs sortaient de la terre, le soleil souriait, les oiseaux chantaient.

XXVI.

Comme les œillets embaument ! comme les étoiles, essaim d’abeilles d’or, reluisent et scintillent à travers un ciel de couleur violette !

Dans l’ombre des châtaigniers brille la villa toute blanche et séduisante ; j’entends le bruit de la porte vitrée, j’entends le murmure de la plus douce voix.

Frémissemens pleins de volupté ! charmantes émotions ! embrassemens tendres et timides ! Et les jeunes roses sont aux écoutes, et les rossignols chantent.

XXVII.

N’ai-je pas autrefois rêvé du même bonheur ? n’étaient-ce pas les mêmes arbres, les mêmes fleurs, les mêmes baisers, les mêmes regards ?