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de la France dépend de la vie d’un homme puissant et toujours exposé ; l’Autriche ne veut point faire la guerre et n’ose pas garder la paix ; la Prusse est dans toutes les angoisses de l’irrésolution ; la Hongrie, longtemps découragée, sent son cœur rebattre ; la Pologne, ce remords vivant de l’Europe, est prête à rebondir sur ses pieds. Enfin la Russie, se figurant que la France avait assez à faire chez elle, et qu’il y avait entre la France et l’Angleterre une inimitié inconciliable, jetant un œil de convoitise sur la terre du soleil, a cru l’heure venue où elle pourrait jeter ses avalanches sur l’Occident, s’emparer de sa proie, planter ses aigles sur les mosquées de Constantinople, et installer une puissance formidable à laquelle la chrétienté occidentale ne pourrait pas offrir de résistance… Avons-nous jamais vu une décade aussi désastreuse que les dix dernières années ?… Il y a dans l’esprit des hommes d’état le pressentiment de calamités imminentes et d’une prochaine catastrophe. Les cabinets sont au bout de leur politique. L’Italie brûle, et l’Autriche le sait bien. L’immense population de la France est campée dans le monde, elle n’y est pas assise. Il n’y a qu’une nation élevée avec l’Écriture qui puisse être grande. Si seulement ce grand peuple, un des plus nobles de l’Europe, avait nos privilèges, c’est-à-dire nos bibles, nos temples, nos prédications, ce serait la plus belle race sous le soleil ; mais la France aujourd’hui n’est qu’un camp, et non pas un foyer : elle ne demeure pas, elle bivouaque. La Russie, pendant tout le temps que nous cherchions à lui inspirer la paix, a grandi comme une gigantesque avalanche prête à tomber sur l’Europe chrétienne, et la voilà destinée, comme j’entreprendrai de le montrer, à remplir la redoutable mission qui, je le crains, est la sienne, de se frayer un chemin jusqu’aux plaines de la Palestine, et d’y périr alors dans son orgueil, dans la dernière et terrible convulsion qui arrachera le monde au scepticisme et l’église au sommeil… »

Du reste, les paroles de l’Écriture doivent aussi s’entendre dans le sens figuratif, et l’image du tremblement de terre s’applique surtout à la convulsion générale de l’année 1848 ; c’est pourquoi le docteur Cumming ajoute : « C’est cette secousse qui continue encore aujourd’hui ses vibrations ; nous sommes encore sous le coup de l’explosion qui ébranla l’Europe dans ses fondemens en 1848. Regardez autour de vous : l’Italie est comme son Vésuve, prête à éclater… Rome, qui s’appelle la capitale de la chrétienté, repose sur les baïonnettes, non point de l’Autriche, qui serait au moins une fille fidèle, mais de la France républicaine, qui n’a jamais accepté l’ultramontanisme. Et que signifie ce dogme inepte de l’immaculée conception ?… sinon que le pape, à bout de voies, tâche de se faire un peu mousser dans la chrétienté pour faire accroire aux nations, lasses de sa suprématie, qu’il a reconquis le pouvoir de faire de nouveaux dogmes… Et la France, cette brave, vaillante et noble France, au puissant et habile dominateur de laquelle nous souhaitons beaucoup d’années de règne prospère, parce que sa vie en ce moment, n’importe comment et trouvez-le mauvais si bon vous semble, est