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dans un terrain moins épais, avaient dû enfoncer et creuser beaucoup moins les bassins des mers. Au reste, la science moderne marche vers la solution de ces questions, que l’on ne peut atteindre avant d’avoir recueilli les données qui nous manquent encore. On a placé sur nos cartes modernes de géographie physique non-seulement les diverses races d’hommes, mais encore toutes les races d’animaux, d’oiseaux, d’insectes, de végétaux, tant ceux de la terre que ceux de la mer. Si nous avions ces mêmes renseignemens pour les habitans de notre globe à l’époque antérieure à l’homme, nous pourrions poser les limites de la terre et des eaux, ou, comme disaient les Grecs, du sec et du mouillé ξηρον και ὑγρον (xêron kai hugron) à cette même époque. Les géologues travaillent activement à cette belle œuvre d’après la distribution géographique des restes fossiles des diverses races éteintes. Malheureusement, comme l’Océan occupe sans doute aujourd’hui une grande partie des terrains qui étaient à découvert dans la période qui a précédé la nôtre, il est à craindre que les notions que peut atteindre la science de l’homme ne restent toujours incomplètes.

On m’a demandé de préciser l’observation de M. de Humboldt relative à un terrain soulevé en Amérique de la même manière que celui de Trézène dans l’Attique. Voici des détails. C’est en 1757, au Mexique, qu’un terrain de trois à quatre milles carrés se souleva en forme de vessie qui se gonfle. On reconnaît encore aujourd’hui par les couches disloquées les limites où le soulèvement s’arrêta. Sur ces limites, l’élévation du terrain au-dessus de son niveau primitif, ou bien au-dessus de la plaine environnante, n’est que de 12 mètres; mais, vers le centre de l’espace soulevé, l’exhaussement total n’a pas moins de 160 mètres. Ce phénomène avait été précédé de tremblemens de terre qui avaient duré deux mois; mais quand le soulèvement s’opéra, tout était tranquille. Il se forma des milliers de petits volcans d’une à deux fois la hauteur d’un homme. Ces petits volcans microscopiques sont célèbres sous le nom de fours (hornitos) que leur donnèrent les indigènes. Enfin, au bout d’une longue crevasse du terrain, un véritable volcan, le Jorullo, de 4 à 500 mètres de hauteur, annonça son existence en vomissant des laves basaltiques. En 1822, à la suite du tremblement de terre qui détruisit en trois minutes les villes de Valparaiso, de Mélipilla, de Quillota et de Casablanca, au Chili, toute la côte américaine fut soulevée de d à 2 mètres. Les bancs d’huîtres qui affleuraient la surface de la mer étaient soulevés de cette quantité hors de l’eau.

Il y a des faits géologiques qui ont été tant de fois cités, qu’ils font l’effet de ces anecdotes que tout le monde sait, et dont il suffit de prononcer le premier mot pour qu’on puisse se dispenser de conter l’histoire entière. Telle est l’apparition de l’île voisine de Santorin (Saint-Irénée) en 1707, telle aussi l’apparition momentanée de l’Ile Julia ou Graham en 1831[1]. Cette

  1. Voyez, sur l’île Julia, un article de M. Constant Prévost, Revue des Deux Mondes de 1831, vol. III-IV.