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françaises, moitié étrangères. C’était un spectacle magnifique que ces longues files de beaux animaux, d’une taille énorme pour la plupart, et, comme dit Virgile dans sa langue incomparable, corpora magna boum. Ils étaient divisés par races, d’après le programme. La question du mode de classement n’est pas une des moindres de ces concours ; on a critiqué la division par races, on a proposé en échange celle de variétés de boucherie, variétés de travail, variétés laitières ; ce serait évidemment plus conforme à la théorie, mais les faits actuels commandent, à mon sens, l’autre division. La Société royale d’agriculture d’Angleterre l’a adoptée. Les races sont des faits considérables, anciens, résultant de conditions matérielles qu’il n’est pas toujours possible de changer de fond on comble, et qui dans tous les cas résistent au changement ; ces faits présentent à l’esprit une idée nette, facile à saisir, qui concorde avec les circonscriptions géographiques de province ou de nationalité, et qui réveille des souvenirs historiques ou pittoresques. La division par races n’a d’ailleurs rien d’exclusif et de systématique, quand on encourage dans chaque race les perfectionnemens et qu’on ne repousse pas les croisemens eux-mêmes.

La perfection d’un animal réside sans doute dans l’organisation la mieux adaptée à sa destination spéciale ; mais les ressources manquent quelquefois pour lui donner complètement cette organisation, et d’un autre côté le débouché peut être ici que la destination la plus profitable soit mixte. Le principe de la spécialisation, qui est sans aucun doute celui du progrès, reçoit alors un double échec. Des trois spécialités indiquées, il en est une, le travail, dominante aujourd’hui, qui est destinée à disparaître plus ou moins. C’est déjà faire une concession que de l’admettre au nombre des qualités primées ; la concession est même plus grande, car tout en acceptant les races on peut primer exclusivement dans chacune d’elles les qualités de boucherie et de laiterie. Le travail des bêtes bovines est le signe d’une situation arriérée : il faut bien l’accepter quand on ne peut pas faire autrement, et la division par races satisfait à cette nécessité, puisque celles qui ne travaillent pas ne sont pas admises à concourir avec celles qui travaillent ; mais il est bon de ne jamais le reconnaître comme fondamental et définitif.

Les races étrangères, et surtout les races anglaises, avaient à l’exposition une supériorité marquée sur les nôtres. Pourquoi ? J’ai déjà essayé de le dire ici, je n’y reviendrai pas. Au premier rang de ces espèces améliorées se trouvait celle à courtes-cornes ou de Durham. Tout le monde connaît maintenant, au moins de nom, cette race célèbre qui offre le type le plus parfait du bœuf de boucherie. L’expérience ayant démontré que la facilité à se mettre en chair et à s’engraisser