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des conséquences incalculables. Les émigrans ne recevront plus à l’avenir un accueil aussi facile ; les lois de naturalisation seront révisées : il ne sera plus permis à des Irlandais ou à des Allemands débarqués de la veille de bouleverser le résultat des élections. L’élément européen, en un mot, ne vouera plus le même rôle dans les affaires américaines. Peu à peu par conséquent le flot de l’émigration se détournera des États-Unis, qui développeront leurs forces normales et nationales sans avoir à compter avec des étrangers habitués à des idées et à des mœurs contraires aux leurs. La propagande catholique, en dépit de l’article de la constitution qui assure à tous les cultes la tolérance la plus complète, ne pourra plus s’exercer avec la même liberté. Déjà des couvens ont été visités, et ces visites ont donné lieu à quelques scènes scandaleuses ou ridicules, mais qui sont un indice de ce qui se prépare. Un des articles du programme des know nothing est d’ailleurs formulé ainsi : « hostilité aux prétentions du pape, dont les prêtres et les prélats de l’église catholique romaine sont ici, dans cette république arrosée et fécondée par le sang protestant, les intermédiaires. » Un autre article recommande la liberté d’éducation pour toutes les sectes, mais avec la Bible parole de Dieu pour base universelle. Ainsi les deux élémens européens principaux, l’émigration et le catholicisme, vont se trouver d’ici à peu de temps ouvertement attaqués et restreints. Sur la question de l’esclavage, les know nothing s’en tiennent aux principes du compromis, qu’aucun des deux partis américains n’est plus en état de défendre, et qui est cependant la sauvegarde de l’Union. Les whigs en effet, généralement abolitionistes, après avoir perdu leurs chefs modérés, Daniel Webster et Henri Clay, dont ce compromis était en partie l’œuvre, ont échoué à la dernière élection présidentielle, parce que leur candidat le plus éminent était accusé de tendances abolitionistes et se présentait sous le patronage de M. Seward, et les démocrates, qui ont triomphé en s’appuyant sur ces principes, ont été infidèles à leurs promesses. M. Pierce et son cabinet ont montré une tendance free soiliste très prononcée. Ni les whigs, ni les démocrates modérés ne sont en état de former une majorité suffisante pour assurer le choix d’un président favorable au compromis, et la prochaine élection présidentielle sera probablement l’œuvre des know nothing.

Les Américains gouverneront l’Amérique, ici est le premier article du programme know nothing. Plus d’élémens étrangers ni d’influence étrangère, et quant à la fédération, plus de nord ni de sud, d’est ni d’ouest : il n’y aura qu’une république, une, indivisible et américaine. Ainsi l’Amérique, riche d’élémens de prospérité épars et sans lien, cherche à les unir ; elle cherche un frein contre l’anarchie et l’éparpillement des forces morales et matérielles. Le programme des know nothing est son premier pas vers la concentration des forces, la cohésion, l’homogénéité et l’unité.

CH. DE MAZADE.


SOUVENIRS MILITAIRES DE LA RÉPUBLIQUE ET DE L’EMPIRE, par le baron Berthezène[1]. — Les documens historiques sur les guerres du consulat et de l’empire abondent en ce moment. L’Histoire de la Campagne de 1800, par

  1. 2 vol. in-8o. Dumaine, 1855.