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exprimée par des nombres différens avec des thermomètres de diverses natures. Ces résultats tout à fait inattendus imposaient l’obligation de faire un choix parmi les divers thermomètres et de le motiver par des raisons sérieuses. Dulong et Petit passèrent alors à un ordre tout différent de considérations qui devaient les diriger.

Quelle que soit la nature de la chaleur statique, qu’elle résulte d’un mouvement vibratoire des molécules ou de l’existence d’une matière spéciale encore inconnue, il faut reconnaître qu’elle s’accumule dans les corps quand ils s’échauffent et qu’elle les abandonne quand ils se refroidissent, et l’on peut, sans rien préjuger sur sa nature intime, comparer entre elles les quantités de chaleur aussi aisément que l’on compare des poids ou des longueurs. Deux exemples très simples le feront concevoir ; voici le premier : quand on brûle un gramme de charbon, on produit de la chaleur, si on en consume seulement un demi-gramme, on développe encore de la chaleur, mais on en produit moitié moins, et en général la quantité de chaleur qui prend naissance au moment de la combustion est proportionnelle au poids du charbon que l’on brûle. Je cite encore l’exemple suivant : un kilogramme d’eau à la température de zéro ne peut s’échauffer jusqu’à 100 degrés qu’à la condition d’absorber une portion définie de chaleur, mais 2 kilogrammes du même liquide en exigeraient une quantité double, et 1,000 kilogrammes en prendraient mille Ibis plus. On peut donc concevoir, j’imagine, que la chaleur s’accumule et se produit dans des proportions grandes ou petites, mais comparables entre elles, et l’on peut admettre, sans que je doive l’expliquer, que la physique possède des procédés exacts pour mesurer les chaleurs, comme elle en a pour mesurer toutes les autres grandeurs.

Or un thermomètre, quand il s’échauffe, absorbe comme l’eau, comme tous les corps, une certaine quantité de chaleur, et c’est après cette absorption qu’il se dilate et que sa tempérai lire s’élève. Il y a entre le premier et le dernier de ces phénomènes un rapport de cause à effet. Admettons que ce thermomètre passe successivement de 0 à 100, de 100 à 200 et de 200 à 300 degrés : les températures qu’il indique croissent progressivement de quantités égales, les dilatations qu’il éprouve entre chacun de ses états suce sont aussi égales, et tout porte à penser qu’il absorbe, pour passer de chaque température à la suivante, des quantités égales de chaleur. Eh bien ! Dulong et Petit ont montré qu’il n’en est rien, ces quantités de chaleurs sont croissantes. Après avoir constaté ce fait inattendu pour le thermomètre à mercure, ils l’ont vérifié pour tous les autres instrumens du même genre que l’on forme avec d’autres substances. Leurs recherches sur toute cette matière avaient ainsi