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dans notre travail qu’à une place très modeste. Lui accorder un large espace serait méconnaître la nature du but qui nous est assigné : il ne faut pas confondre le moyen et le but.

Mais à quoi bon invoquer l’histoire à propos de l’exposition universelle des beaux-arts ? J’entends déjà les impatiens transformer en intention pédante l’idée, très naturelle pourtant, d’interroger le passé pour expliquer le présent. Je ne m’arrêterai pas à ce reproche. Tous ceux en effet qui ont le goût et l’habitude de la réflexion n’ont pas besoin d’être édifiés sur l’utilité de l’histoire. Quant à ceux qui veulent tout apprendre en courant, c’est-à-dire tout savoir sans rien étudier, nous acceptons d’avance leur dépit comme la récompense prévue de notre sincérité. Nous avons la simplicité de croire que la connaissance du passé est nécessaire à l’intelligence du présent : c’est peut-être chez nous un signe de faiblesse, mais à coup sûr le pédantisme n’a rien à démêler avec cette croyance. Nous allons même jusqu’à penser que, pour tout esprit impartial, il n’y a dans un tel aveu qu’une preuve irrécusable de modestie. On aura beau faire et beau dire, c’est du côté des impatiens que se trouve l’orgueil, car ils prétendent deviner en quelques heures, souvent même en quelques minutes, ce qui nous semble mériter plusieurs jours et parfois plusieurs semaines d’investigations. Pour mettre l’orgueil de notre côté, il faudrait commencer par transformer en signe d’orgueil la défiance de soi-même ; or le plus habile ne saurait opérer cette transformation. Interroger l’histoire de l’école allemande et de l’école anglaise pour expliquer les œuvres de Cornélius et de Landseer ne passera jamais, aux yeux des hommes de bon sens, pour un signe d’orgueil, pour une intention pédante. Cette accusation d’ailleurs, nous vint-elle des quatre points cardinaux, ne réussirait pas à nous affliger. Si nous n’épargnons rien pour nous éclairer, si nous renonçons à rien deviner, nous attendons sans impatience que le temps nous donne raison, quand nous croyons tenir la vérité ; la contradiction la plus obstinée ne nous décourage pas. Nous avons pris la route la plus longue, qui nous semblait la plus sûre pour atteindre le but désigné. Quand il s’agit de vulgariser ce que nous croyons vrai, un délai de quelques mois n’a rien qui nous effraie.

L’opinion généralement accréditée sur la nature et la mission des arts du dessin est une opinion que le bon sens réprouve, que la réflexion réduit à néant. La foule croit volontiers que la peinture et la statuaire doivent se proposer l’imitation, l’imitation littérale, de la nature, comme le but suprême et définitif : au-delà de l’imitation, la foule n’aperçoit rien qui mérite son attention et sa sympathie. Il s’agit de ruiner cette erreur obstinée ; or, pour la ruiner, l’histoire nous sera d’un secours très puissant. Je ne prétends pas affirmer,