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encore moins démontrer que toutes les écoles possèdent au même degré le sentiment et l’intelligence de l’idéal : l’histoire me démentirait trop facilement ; mais je soutiens, l’histoire à la main, que la valeur d’une école en tout temps, en tout lieu, se mesure à l’intelligence, à l’expression de l’idéal. Envisagée sous ce rapport, l’exposition universelle des beaux-arts est une excellente occasion de remettre en lumière et en honneur les vrais principes, trop souvent méconnus par les praticiens aussi bien que par la foule. L’histoire à la main, nous trouverons sans peine que les maîtres les plus glorieux doivent la meilleure partie de leur renommée à leurs constans efforts pour s’élever au-dessus de l’imitation littérale. L’intelligence et l’expression de l’idéal varient selon les temps et les lieux ; mais pour peu qu’on prenne la peine de pénétrer les vrais caractères des œuvres les plus célèbres, de celles mêmes où la foule ne découvre qu’une lutte engagée avec la nature, une lutte habilement soutenue, on ne tarde pas à comprendre que la foule se trompe. Depuis Raphaël jusqu’à Rembrandt, depuis Léonard de Vinci jusqu’à Rubens, il n’y a pas un peintre en possession d’une solide renommée qui n’ait rêvé, qui n’ait réalisé quelque chose de plus que l’imitation. La reproduction des formes et des lignes que nous offre la nature est, pour le peintre, un moyen de rendre sa pensée : lui commander de s’en tenir à cette reproduction, sans chercher à rien traduire, c’est le réduire tout simplement au rôle de machine. Les formes et les lignes sont une langue ; or à quoi sert la connaissance d’une langue quand on n’a rien à exprimer ? Pour ceux qui ne pensent pas, le vocabulaire le plus complet, le plus varié, n’est qu’un instrument inutile. Étudiez d’abord avec un soin assidu les lignes et les formes de la nature vivante ou inanimée, rien de mieux, rien de plus sage, puisque ces lignes et ces formes sont la langue de la peinture et de la statuaire ; mais quand vous voudrez parler cette langue, n’oubliez jamais d’avoir quelque chose à dire ; autrement, vous ressemblerez aux enfans qui récitent des mots sans en comprendre le sens.

L’Italie est la grande institutrice de tous les hommes qui se vouent à la peinture, à la statuaire, C’est à Rome qu’ils se donnent rendez-vous. Il semblerait donc que l’étude de l’Italie suffit pour juger tous les peintres et tous les sculpteurs. Cependant la connaissance la plus complète de l’Italie et de tous les chefs-d’œuvre qu’elle renferme ne fournit pas tous les élémens d’un jugement équitable. À ne considérer que la peinture, l’Italie, malgré sa prodigieuse richesse, n’enseigne pas tout ce qu’il faut savoir. Dans l’heptarchie glorieuse qui domine cette forme de l’imagination, elle compte, il est vrai, pour cinq ; mais enfin quiconque ne connaît que sur ouï-dire les deux princes qui ne