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France, et Sigismond son gendre un athenœum dans la ville nommée Vieille-Bude. Le mouvement d’instruction ne fit que s’accélérer et s’étendre à mesure qu’on approcha du XVe siècle.

C’est dans ces écoles qu’aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, des clercs, savans pour leur nation, et plus pieux encore que savans, firent subir aux chansons traditionnelles une transformation importante, qui, les accommodant aux nécessités historiques du culte nouveau, les réconciliait avec lui et les amnistiait pour ainsi dire. Cette première transformation consista à relier la nation des Huns aux origines du genre humain, telles qu’elles sont enseignées par la Bible et développées par ses commentateurs chrétiens ou juifs. Gog et Magog se trouvaient là fort à propos pour faire de Magog, fils de Japhet et roi de Scythie, le père de la race des Moger ou Magyars, et à travers une suite de patriarches, connus ou inconnus de la Bible, on arriva sans trop de peine au roi Attila, ancêtre du duc Arpad, et commun patron des Magyars et des Huns, double rameau issu de Magog par Hunnor et Mogor, ses fils. On eut soin de comprendre dans la généalogie d’Attila le géant Nemrod, chasseur, guerrier et conquérant. Ce travail de conciliation sur les origines, qui rapprochait Attila des patriarches, fut suivi d’un second, qui le rapprocha de Jésus-Christ, et dont je parlerai plus tard. La foi chrétienne se trouvant ainsi à peu près désintéressée à l’existence des traditions magyares, des clercs les admirent dans l’histoire en les épurant, bien entendu, en les élaguant, surtout en les mettant en prose latine, comme tout ce qui sortait de ces doctes académies. Telle fut la pensée qui inspira les premières chroniques des Hongrois.

La plus ancienne que nous possédions date de la seconde moitié du XIe siècle, mais elle avait été précédée par d’autres essais, plus imparfaits sans doute, puisqu’ils n’ont point survécu. Celle-ci est connue vulgairement sous le nom de Chronique du Notaire anonyme, l’auteur, dont on ignore le nom, ayant été notaire, c’est-à-dire secrétaire du roi Béla, ainsi que lui-même nous l’apprend. Plusieurs rois appelés Béla régnèrent en Hongrie. Le premier occupa le trône de 1061 à 1063 ; le second, couronné en 1131, eut les yeux crevés dans une révolte de magnats ; mais l’opinion la plus commune est que le notaire anonyme écrivit sous Béla Ier, et c’est aussi ce qui paraît résulter de son ouvrage. Nous avons donc là un témoin qui sert à fixer la tradition hongroise dès l’aurore de sa transformation, moins de trente ans après la mort de saint Étienne. Une préface placée par l’anonyme en tête de sa chronique explique clairement son but et ses procédés de composition : c’est l’histoire même du livre racontée par l’auteur dans une lettre à un ami sur les instances duquel il l’a composé. Ce curieux morceau, qui nous fait pénétrer dans