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d’or et des chameaux ; puis il emmène leurs otages et part. Sept chefs cumans, voyant sa vaillance, lui demandent la permission de le suivre.

Il traverse le pays de Lodomer sans s’y arrêter ; il entre dans la Galicie, mais il y fait halte. Partout on lui livre des otages, partout on lui offre des présens. On lui amène des bœufs harnachés pour porter son bagage : l’or d’Arabie, l’hermine, les riches vêtemens remplissent ses chariots. « Pourquoi restes-tu si longtemps ici ? lui dit le duc de Galicie. Là-bas, derrière la forêt des Neiges, s’étend la terre de Pannonie, héritage du roi Attila. Les Romains, les Bulgares et les Slaves la possèdent : les Romains l’ont occupée jusqu’au Danube et y ont placé leurs pasteurs ; les Bulgares ont pris ce qui se prolonge au-delà entre le Danube et la Théïsse jusqu’aux frontières des Russes et des Polonais, et les Slaves ont usurpé le reste. Aucun pays au monde ne peut être comparé à ce bon pays ; la terre y est grasse et féconde ; des fleuves poissonneux l’arrosent, et d’innombrables ruisseaux le fertilisent. »

Almus crut à ces paroles, et reprit gaiement sa marche. Le duc de Galicie lui a donné deux mille archers pour le guider, et trois mille paysans armés de haches et de faux pour lui ouvrir une route dans la forêt des Neiges. Bientôt les Magyars commencent à franchir la pente des montagnes, et leurs guides les abandonnent. Ils montent toujours, et entrent dans un canton sauvage où les aigles perchent sur les rameaux des arbres, serrés comme des nuées de moucherons : à la vue des chevaux et des bœufs des Magyars, ces oiseaux s’abattent sur eux pour les dévorer. Sorti de ce canton inhospitalier. Almus errait à l’aventure, quand il voit arriver des étrangers qui parlent la langue des Hongrois : ce sont les Sicules d’Erdele, qui, instruits par la renommée de l’approche d’un petit-fils de Chaba, sont descendus de leur plateau pour le recevoir. Avec leur assistance, les Hongrois enlèvent la ville de Hung-Var, et s’établissent dans la contrée voisine : ils ont posé le pied sur la terre d’Attila pour n’en plus sortir. Magyars et Szekhely célèbrent ce grand événement et la joie de leur réunion par un aldumas qui dure quatre jours : pendant quatre jours, grands et petits s’enivrent en mangeant de la chair de cheval que les prêtres ont consacrée.

La mission de l’enfant du rêve se termine ici, Almus meurt, et son fils Arpad lui succède comme duc des Magyars. Campés au sommet des Carpathes, les Magyars ne possèdent que d’âpres vallées, tandis que les grasses plaines de Dacie et de Pannonie s’étendent près de là, sous leurs pieds. Elles appartiennent au duc Sviatipolg, chef des Slaves Marahunes ou Moraves, qui réside sur la rive gauche du Danube, dans une ville baignée par les eaux du fleuve. Arpad fait venir