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Etienne l’idée de réclamer pour lui-même du souverain pontife la bénédiction apostolique et le titre royal, en récompense de ses mérites et des fruits de son apostolat. Etienne convoque donc à une diète générale les évêques, les magnats et le peuple du duché de Hongrie ; il leur expose ses travaux, il leur confie son désir, et tous décident qu’il faut députer à Rome Astricus, évêque de Strigonie, pour mettre aux pieds du saint père la demande d’Etienne et le vœu du peuple hongrois. Astricus part, et les deux ambassades cheminent sur la même route sans le savoir : une seule journée de marche les sépare ; mais par la volonté de Dieu, Lambertus s’est attardé, et Astricus a pris les devans. Tous deux ignorent qu’ils se rendent au même lieu, pour le même objet ; leurs peuples l’ignorent aussi, et le pape Sylvestre ne sait rien, sinon que l’envoyé polonais doit se présenter devant lui au jour convenu, dès les premiers rayons du soleil. Parée d’ornemens inaccoutumés, la salle du palais pontifical est disposée pour l’audience ; la couronne destinée à Micsco est là : les orfèvres l’ont fabriquée de l’or le plus pur, incrustée des pierres les plus éclatantes. Jamais l’art n’a rien produit de si beau, et jamais aussi la bénédiction du vicaire de Jésus-Christ n’a doté un objet matériel de plus de grâces et de promissions pour ce monde et pour l’autre.

Préoccupé de la cérémonie du lendemain, Gerbert commençait à céder au sommeil, quand une vision du ciel éblouit ses yeux. Un ange lui apparaît et lui dit : « Sache que demain, au point du jour, les envoyés d’une nation inconnue, fille de la Hongrie orientale, mais dépouillée de la férocité du paganisme, viendront te demander à genoux une couronne royale pour leur duc. Celle que tu destinais à Miesco, donne-la-leur, car elle leur appartient, et Miesco ne doit point la posséder. De lui sortira une génération maudite qui aura plus de souci de planter des forêts que des vignes, de semer de l’ivraie que du bon grain, qui multipliera les bêtes fauves plutôt que les brebis et les bœufs, les chiens plutôt que les hommes, pour qui l’iniquité sera justice, la trahison concorde, la tyrannie charité. Cette race ressemblera à une couvée d’animaux sauvages se nourrissant de chair humaine, à un nid de serpens rongeant le cœur de la terre. Confiant dans la folie de leur puissance et rejetant comme des fables les saintes prophéties, ces hommes oublieront que je suis le Dieu fort, qui me venge sur la troisième et quatrième génération, qui afflige ceux qui m’affligent et ne laisse pas plus le mal impuni que le bien sans récompense. Quand cette génération aura passé, je prendrai en pitié celle qui suivra, je l’élèverai et je la couronnerai de la couronne des saints. Fais comme je t’ai dit. » Après avoir prononcé ces paroles, l’ange disparaît aux regards de Sylvestre.

Les premiers rayons du jour.coloraient à peine le faite du palais papal, que les envoyés de Hongrie entraient à Rome, et ils sont bientôt