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nouveau roi, le christianisme s’affermit et se propage ; d’autres révoltes des magnats, d’autres tentatives des prêtres païens échouent contre sa fermeté ; l’empereur d’Allemagne, qui cherche à profiter de ces troubles intérieurs pour dépouiller le royaume, est repoussé honteusement. Etienne, avec une confiance sublime en l’assistance de Dieu, défie tous les périls. On raconte qu’un jour, dans une circonstance désespérée, il fit don solennel du royaume et du peuple hongrois à la vierge Marie, « reine et impératrice du ciel et de la terre, » et que la Hongrie fut sauvée.

Etienne donne à son gouvernement des institutions en rapport avec la foi nouvelle. Il fonde à quelques milles au-dessous de Sicambrie, capitale païenne des Huns et des Magyars, la ville d’Albe-Royale, capitale de la Hongrie régénérée par le baptême. C’est là qu’il est enterré, dans l’Église-Blanche qu’il a dédiée à la mère de Dieu, « reine céleste des Hongrois. » Sa tombe achève la consécration du petit territoire où tant d’événemens se sont accomplis. Une grande réconciliation s’opère et embrasse tout le passé. Si les mérites d’Attila ont préparé la puissance d’Arpad et la sainteté d’Etienne, la sainteté d’Etienne rejaillit sur ses deux glorieux ancêtres. La croix qui domine l’Église-Blanche éclaire au loin de ses rayons la sépulture du duc magyar et le cippe funéraire de Kewe-Haza.

Ici se termine l’épopée traditionnelle des Hongrois avec l’époque héroïque de leur histoire, et c’est ici que nous nous arrêterons. Les traditions que les temps postérieurs voient naître n’ont plus ni la même poésie, ni le sens profond et mystique qui donne à celle-ci un caractère à mon avis si admirable. On n’y rencontre plus dès-lors que des versions plus ou moins altérées de la réalité.

Qu’était-ce donc que cette sainte couronne, rançon du tombeau de saint Pierre gagnée par le fléau de Dieu dans l’exercice de sa terrible mission, et exécutée par les soins d’un pape français tant soit peu sorcier ? Ceux qui l’ont vue et décrite s’accordent à dire que c’était un ouvrage d’une rare perfection, fabriqué d’or très fin, incrusté d’une multitude de pierreries et de pertes. Elle présentait la forme d’un hémisphère ou calotte garnie d’un cercle horizontal à son bord et de deux cercles verticaux se coupant en équerre à son sommet, le tout surmonté d’une croix latine. Deux émaux quadrangulaires entourés d’une guirlande de rubis, d’émeraudes et de saphirs, et représentant le Christ et sa mère, étaient placés l’un au front de la couronne, l’autre à l’opposite, et l’intervalle était rempli par des figures d’apôtres, de martyrs et de rois chrétiens. Une suite de médaillons pareils, séparés par des lignes de brillans, recouvraient les cercles verticaux et se reliaient par en bas aux premières images. Vers la fin du XIe siècle, on gâta cette couronne de fabrique italienne et d’une noble simplicité en la superposant à une couronne,