Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vient pas seulement de ce qu’ils ont vécu aux plus beaux jours de la Grèce, mais ils sont unis encore par tous les liens qui rattachent la médecine à la philosophie, et qui font de l’histoire médicale un fragment de l’histoire philosophique. Une étude même superficielle montre comment ces deux sciences se sont toujours suivies de près, et combien les progrès de l’une sont liés à ceux de l’autre. Chaque système de médecine a son analogue dans un système de philosophie, son correspondant et son contemporain, et s’il n’en est pas l’image, il en est au moins le reflet. Ainsi, dans l’origine, la médecine, comme la philosophie, était sur un trépied, et rendait des oracles sans raisonner. Elle commença à devenir une science avec la philosophie ionienne. On ne peut méconnaître dans Hippocrate un platonicien. Loin d’être un athée, comme on l’a dit, il est, autant qu’on peut en juger, un philosophe spiritualiste. Il a même, sinon dans le style, du moins dans la manière de raisonner, des rapports avec Platon. Plus tard, la médecine procéda d’Aristote, et Galien en est un exemple éclatant. À Rome, sous les empereurs, elle disparut peu à peu avec la philosophie même. Au moyen âge, elle fut remplie de systèmes et de subtilités comme la scolastique ; les savans puisaient à une source commune, l’érudition. Elle fut astrologique avec Paracelse, mystique avec Van-Helmont. Au XVIIe siècle, elle emprunte ses théories à la physique de Descartes, puis à Leibnitz. Le siècle dernier la rendit plus précise et peu à peu matérialiste avec Bichat, Cabanis et Broussais. Enfin de nos jours, éclairée à la fois par des idées générales plus élevées et par des expériences mieux faites, elle devient de plus en plus spiritualiste et éclectique, obéissant ainsi à l’impulsion qu’une main puissante a imprimée à la philosophie.

C’est donc en prenant les philosophes pour guides que l’on doit étudier les médecins ; c’est d’après les premiers qu’il faut juger les seconds. En effet, si nous cherchons quels ont été les commentateurs d’Hippocrate, nous trouverons parmi eux autant des uns que des autres. Peu d’ouvrages de l’antiquité d’ailleurs ont été aussi avidement étudiés que ceux qui vont nous occuper ; érudits, philosophes et médecins, les ont traduits ou commentés. Les uns en ont combattu les doctrines, la plupart ont admiré le génie de l’écrivain, et l’ont élevé au-dessus de tous les savans du monde. Souvent même ils ont invoqué son autorité, tantôt en faveur des doctrines nouvelles, tantôt contre les médecins contemporains. Galien est le plus célèbre de tous ces commentateurs, et son ouvrage nous reste à peu près en entier ; mais il n’est pas à beaucoup près le seul. Dioclès de Caryste, Hérophile le critique, Aristarque, Didyme le médecin, Asclépiade, Thessalus de Tralles avant lui, Oribase, Philagrius, Jean d’Alexandrie, Cassiodore plus tard, se sont occupés, soit des œuvres